À travers différents objets, esquisses et sculptures, les visiteurs auront l’opportunité d’approfondir leur compréhension de cette œuvre conséquente et mystérieuse qui ne cesse d’inspirer les artistes contemporains.
/// Nora Djabbari
C’était en 1947. Après la guerre, l’humanité marquée par les stigmates des horreurs tentait de se reconstruire. C’est dans ce contexte créatif en proie aux questionnements existentialistes qu’Alberto Giacometti créait “Le Nez”, cette pièce difforme qui allait devenir emblématique. Le Nez, sculpture à la veine surréaliste, presque grotesque, se déploie ironiquement dans le vide, avec sa tête nerveuse suspendue par une corde au milieu d’une cage.
Il trouve son origine dans une vision cauchemardesque qui évoque le souvenir traumatisant de la rencontre de Giacometti avec Pieter van Meurs en 1921. Alors qu’il assistait à la mort de van Meurs, Giacometti fut happé par son nez, qui semblait se prolonger à mesure que la vie quittait son corps. À travers ce fragment d’anatomie humaine, toute une réflexion sur l’absurdité de notre condition caractérisée par l’angoisse de la mort . En suivant les contours de ces narines qui semblent s’allonger à l’infini, les observateurs curieux sont amenés à requestionner leur propre humanité.
Ce nez caricatural nous rappelle le personnage iconique de Pinocchio, mais aussi les inspirations issues du folklore carnavalesque. Les succès retentissants du cubisme et de l’art africain cultivèrent l’imaginaire de Giacometti ainsi que sa liberté créatrice. Cette œuvre marque une rupture avec la recherche désespérée de réalisme et affirme sa singularité, ce qu’on retrouve dans les dimensions exubérantes de ses sculptures.
L’exposition présente cinq versions du même Nez, dont trois en plâtre peint et deux en bronze, offrant ainsi une occasion de le redécouvrir à travers une variété de documents. Le parcours de l’exposition est enrichi par la présence de sculptures significatives dans l’œuvre d’Alberto Giacometti comme Pointe à l’œil (1932) ou encore Tête crâne (1934). Toutes partageant un style distinctif marqué par des formes allongées et élancées, capturant ainsi la fragilité de l’existence humaine par une simplicité qui met en lumière l’essence de leur forme.
Pour Alberto Giacometti, «La distance entre une aile du nez et l’autre est comme le Sahara, pas de limites, rien à fixer, tout échappe .» En effet, Le nez de Giacometti, sans bornes ni repères, est une œuvre qui échappe aux conventions, une énigme artistique aux interprétations plurielles. Pendant 17 ans, Le Nez, véritable sculpture obsessionnelle, connaîtra de multiples ajustements, pour finalement devenir cette œuvre si familière à “l’inquiétante étrangeté”.
La Fondation Giacometti révolutionne son approche en intégrant un hologramme pour présenter virtuellement le Nez en plâtre peint, créé par l’artiste en 1947. Cette innovation, conçue à partir de scan 3D haute définition de l’original, trop fragile pour être déplacé, permettra, selon la Fondation de rendre “(…) possible un regard sur l’œuvre sous des angles et dans des détails qu’il n’est pas possible d’apprécier lorsque la sculpture est installée en exposition”.
Enfin, la Fondation Giacometti éclaire d’un œil neuf cette création en la mettant en relation avec quatre artistes contemporains : Annette Messager, Rui Chafes, Hiroshi Sugimoto et Ange Leccia qui, individuellement et intimement, s’emparent de ce morceau de l’Histoire de l’Art pour lui insuffler une nouvelle vie, nous rappelant que la fascination envers cet artiste ne se tarie pas avec le temps.
Fondation Giacometti
- Adresse : 5 rue Victor Schoelcher
- Code postal : 75014
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 44 54 52 44
- Site Internet : https://www.fondation-giacometti.fr/
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