La Fondation Maeght présente du 24 mars au 17 juin 2018 l’exposition Plus de lumière, de l’artiste sud-coréen Lee Bae.
Une coïncidence, un heureux hasard, peut parfois susciter l’inspiration de l’artiste, et Lee Bae ne déroge pas à cette règle. Arrivé à Paris en 1990, il découvre avec stupeur le prix élevé du matériel de peinture. Prés de son atelier se tenait alors un entrepôt de construction, l’artiste y trouve un sac de charbon. Digne d’une fiction, c’est par souci économique que Lee Bae trouve ce qui deviendra, son matériau de prédilection. L’artiste s’inscrit alors dans la continuité du mouvement artistique coréen Dansaekhwa, marqué par une volonté de retour à la nature grace aux matériaux minéraux et aux couleurs monochromes. Dans la lignée de Lee Ufan et de son art minimal, Lee Bae nous dévoile ses toiles épurées et créées par du charbon. L’artiste révèle alors son pouvoir : transformer ce que nous mettons dans notre barbecue en une œuvre d’art étonnante, structurée, poétique.
Ce matériau offre un noir aussi profond que celui de Pierre Soulages et contraste avec la seule autre couleur présente, le blanc du papier ou de la toile. Deux couleurs si diamétralement opposées au premier abord, que Lee Bae parvient à organiser dans une harmonie qui trouble. Une précision dans les compositions laisse place à une méditation par la contemplation. Notre esprit se laisse bercer par ces formes noires, appliquées par la main déterminée et précise de Lee Bae, sur une toile recouverte de résine et de couches d’acrylique donnant cette teinte laiteuse où se reflète la lumière. Des lignes droites et longues, des cercles hypnotisant, de courts traits rassemblés et organisés : tous confient au blanc du support une omniprésence importante. Ce minimalisme dans la composition laisse pourtant la place à une énergie frappante qui émane des toiles. Notamment par leur grandeur considérable qui dépasse souvent les deux mètres, les œuvres de Lee Bae nous revivifient. Face à ses tableaux, nous devons lever les yeux, tourner la tête de droite à gauche pour apprécier leur ampleur. Notre regard suit alors les lignes parfois continues et circulaires, parfois multiples et droites : nous nous laissons hypnotiser par ce mouvement de mimétisme entre notre corps et la toile.
Mais la contemplation de certaines de ses œuvres nous fait réintégrer la réalité de notre époque. Des installations où des troncs d’arbre brulés, disposés sur le sol, font écho aux toiles où les formes laissées par le charbon ressemblent étrangement à des arbres, cet élément naturel incendié par la main humaine. Des troncs notamment calcinés, regroupés et attachés par des fils de plastique, rappelant curieusement les sacs sur le dos des migrants, nous laissent entrevoir des enjeux actuels, au travers de cette contemplation poétique.
Texte : Angèle Imbert
Crédit Visuel : Lee Bae, Drawing, 1997. Fusain sur papier, 145 x 114 cm.