Les artistes de rues au milieu des murs de l’Hôtel de Ville

Les artistes de rues au milieu des murs de l’Hôtel de Ville

A partir du 15 octobre 2022 et jusqu’au 11 février 2023, la Ville de Paris s’empare pour la première fois du mouvement artistique de l’art urbain et dédie une vaste exposition intitulée Capitale(s) – 60 ans d’art urbain à Paris. L’évènement se tient au sein de la salle Saint-Jean de l’Hôtel de Ville, retraçant ainsi son histoire et revenant sur l’importance qu’a joué la scène parisienne dans son développement. Plus de soixante-dix artistes exerçant initialement dans les espaces en extérieurs de la capitale sont mis à l’honneur à travers des œuvres de collections prestigieuses, des documents d’archives, ou des interventions in situ remarquables.

/// Lolita Fragneau

Paris, centre artistique par excellence et berceau de nombreux mouvements picturaux, est le lieu emblématique de rendez-vous pour les plus grands défenseurs de l’art tout comme ses amateurs, les artistes tout comme les collectionneurs. C’est naturellement que la capitale française s’est retrouvée un lieu déterminant dans l’épanouissement de ce qu’on appelle aujourd’hui l’art urbain, c’est-à-dire cet art éphémère de l’espace public réalisé dans l’immense musée à ciel ouvert que sont nos rues, nos façades, ou nos bâtiments. Au milieu des plus impressionnants musées du monde tels que le Louvre, Orsay, ou l’Orangerie, des expositions de rues sont aussi disponibles à tous, quel que soit la classe sociale, l’âge, le sexe, ou la nationalité, n’importe quel passant peut se retrouver saisi par ces collages, graffitis, fresques murales, ou pochoirs qui embellissent, ou du moins changent drastiquement le regard porté sur le quotidien.

Ⓒ Guillaume Bontemps, Ville de Paris

L’exposition suit une approche chronologique en évoquant d’abord les précurseurs du mouvement qui ont transformé la ville en « la plus grande galerie d’Europe » : Villeglé, Raymond Hains, Ernest, Pignon-Ernest ou Zlotykamien au début des années 1960-1970, puis Blek le Rat, Jeff Aérosol, ou Jerôme Mesnager. Le writing (tag en français) est l’un des premiers modes d’expression utilisé. Venant tout droit de New York, son esthétique se rapproche fortement de la calligraphie en figurant notamment des pseudonymes à l’aide de bombes aérosols. L’un des premiers terrains français qui voit apparaître ces graffeurs est le « Hall of Fame », le terrain de Stalingrad.

A cette époque, le Street Art est encore considéré comme du simple vandalisme, une dégradation volontaire de l’environnement urbain en guise de rébellion. Au début des années 2000, la capitale devient de plus en plus attractive, et voit arriver des artistes du monde entier tels que le Californien Shepard Fairey (Obey), la New-yorkaise Swoon, le Britannique Banksy ou encore le Portugais Vhils qui font de Paris une vraie plaque tournante en matière d’art urbain.

Jacques VILLEGLE, Rue de Rennes, avril 1987, Affiches lacérées marouflées sur toile, 210 x 156 cm, courtesy Galerie Vallois

Un dispositif intéressant présente notamment les fresques du Mur d’Oberkampf, cette association engagée dans la promotion de l’art urbain. Au cœur du XIe arrondissement parisien, le M.U.R. expose toutes les trois semaines une nouvelle création d’un artiste de rue. Si les fresques ont une durée de vie très courte, elles ont néanmoins toutes été immortalisé depuis 2003 par des photographies, qui sont visibles pour le public dans un diaporama intriguant. Le Mur a cette vocation d’évoquer tous les styles, toutes les techniques, ainsi que les artistes de tous les horizons, fidèle à cette représentation que permet le Street Art de rassembler les talents les plus hétérogènes qui soient. De cette manière, des artistes aussi éloignés que remarquables à l’instar de Kraken ou Levalet se font face dans un croisement pertinent.

Une large carte de Paris regroupant tous les Space Invaders d’Invader est proposée aux visiteurs, dévoilant la productivité inouïe de l’artiste. Débutant sa carrière en 1996 en posant sa première mosaïque urbaine dans une rue de Paris, près de la place de la Bastille, le street artiste n’a jamais cessé de poursuivre cette série qu’il approfondira dans plusieurs villes de France mais également aux quatre coins du monde, devenant par la suite un jeu sur une application nommée « FlashInvaders ». Paris reste néanmoins l’emplacement favori de l’artiste français, regroupant pas moins de 1481 « envahissements » sur les 4079 qu’il a réalisé en tout.

Qu’il soit dédaigné ou méprisé, l’art urbain reste malgré tout l’un des mouvements les plus percutent du XXIe siècle, et méritait par-là une exposition à la hauteur de sa grandeur et de son excentricité. Il peut rester dans la rue ou atteindre les enceintes des musées et galeries, il gardera toujours son essence primordiale : celle de raconter une histoire nous délivrant d’un quotidien invétéré et ordinaire.

SWOON, Kamayura Mylar, 238 x 156 cm, Courtesy Galerie LJ

Hôtel de ville de Paris

  • Adresse : Pl. de l'Hôtel de Ville
  • Code postal : 75004
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 0142764040
  • Site Internet : paris.fr