L’Isère aux couleurs de l’Egypte

L’Isère aux couleurs de l’Egypte

Cet automne plus que jamais, le département de l’Isère – berceau de deux grands égyptologues – prend très au sérieux la valorisation de cette science et de l’égyptomanie qui en a découlé. Deux-cents ans après la lettre à Monsieur Dacier annonçant sa compréhension des hiéroglyphes, Jean-François Champollion est à nouveau mis à l’honneur dans plusieurs projets culturels, mais cette fois avec la réaffirmation du rôle qu’a pu jouer son frère ainé, Jacques-Joseph Champollion-Figeac. Au programme, le musée Champollion de Vif qui prend racine dans la demeure des descendants Champollion, les archives nationales départementales à Saint-Martin-d’Hères dévoilant l’immense correspondance entre les deux frères jusqu’au 16 décembre 2022, et le musée Dauphinois de Grenoble s’octroyant une vaste exposition intitulée Égyptomania. La collection Jean-Marcel Humbert visible 5 novembre 2022 au 27 novembre 2023.

/// Lolita Fragneau

 

« S’il est des anniversaires plus enthousiasmants que d’autres, celui du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes, sans hésiter, fait partie de ceux-ci. Il nous parle de la quête de deux hommes à travers un destin et deux personnalités attachantes qui révélèrent un des plus grands mystères des civilisations anciennes » affirme Jean-Pierre Barbier, le Président de l’Isère, très fier de ce département qui a vu naître les premières découvertes égyptologiques.

© Département de l’Isère / Musée Champollion

C’est en effet dans une jolie maison de Vif, à l’écart de l’attractivité de Grenoble, que la famille Champollion a séjourné jusqu’à sa transformation en musée en juin 2021. Depuis, c’est près de 33 000 visiteurs qui ont foulé les mêmes couloirs et escaliers que les deux célèbres frères, et marché dans les pas de leurs découvertes. Ce qui séduit, c’est cette visite intimiste à travers des œuvres issues du fond familial qui font voyager à travers le temps. Le point de départ est initié par la jeunesse de Jean-François Champollion (1790-1832) : son frère ainé a énormément contribué à son éducation, l’a encouragé et est parvenu à fortifier sa passion des langues orientales. Très jeune, il connaît parfaitement l’hébreu, le latin, le grec, et apprend également l’arabe, le syriaque, le chaldéen. Plus tard, c’est l’étude du hiératique et du démotique qui le pousseront à s’intéresser de près aux mystérieux hiéroglyphes. Seule ressource pour l’aider, la fameuse Pierre de Rosette, cette stèle gravée de l’Egypte antique portant trois versions d’un texte en grec, démotique et hiéroglyphe. Le 27 septembre 1822, les Champollion en sont certains : le système de déchiffrement fonctionne ! Une nouvelle qui bouleversera l’entièreté de la communauté scientifique.

A travers un enrichissant parcours thématique, les visiteurs découvrent alors une collection unique constituée à la fois d’objets du fond familial – archives, mobiliers, documents de travail, objets personnels tel que le manteau traditionnel que Jean-François Champollion gardait pendant son voyage en Egypte – mais également accompagnée de 150 dépôts de musées régionaux et nationaux, notamment le musée du Louvre.

Lettre de Jean-François Champollion à Jacques-Joseph Champollion, Turin, 23 novembre 1824, Archives départementales de l’Isère, 185J18,
folio 55 : Jean-François fait part à son frère de son avancée sur le système de numérotation et de notation du temps dans trois écritures égyptienne

Le musée Champollion, comme les autres musées du réseau du Département de l’Isère, est partenaire naturel des archives départementales qui ont introduit une exposition plus modeste mais tout aussi captivante et singulière, intitulée Les frères Champollion, la correspondance dévoilée. Une sélection de sept volumes d’échanges épistolaires durant vingt-ans ans est présentée au public pour la première fois, et le parcours est ponctué par plusieurs citations phares présentes dans les lettres manuscrites. Jean-François Champollion écrivait ainsi à son frère en 1818 : « Il y a longtemps que tu me prouves que moi c’est toi, je serais trop heureux de prouver l’inverse : mon cœur m’assure que nous ne ferons jamais deux personnes ». Les liens indéfectibles et fusionnels qui unirent les deux frères se dévoilent à plus forte raison, car c’est sans doute la patience et les encouragements de Jacques-Joseph Champollion-Figeac qui permirent au cadet de bouleverser cette discipline.

Les découvertes phénoménales des deux frères suscitèrent une fascination grandissante autour de l’Egypte jusqu’alors très hermétique, provoquant l’avènement du mouvement de l’égyptomanie. Jean-Marcel Humbert, conservateur général honoraire du patrimoine et historien de l’art, a constitué une gigantesque collection regroupant aussi bien le cinéma, la littérature, la musique ou l’architecture. Plus de quatre cents documents et objets issus de cette immense collection personnelle sont présentés lors de l’exposition et expriment les représentations de cet Orient fantasmé dans un parcours de 700 m2. La scénographie, à l’image d’un sanctuaire évoquant les tombes royales égyptiennes, invite le visiteur dans un voyage singulier autour de différentes thématiques caractéristiques de l’égyptomanie : des péplums, au concept store composé de produits dérivés « à l’égyptienne » en passant par les titres littéraires emblématiques de la culture populaire sont mis à l’honneur. Une exposition qui aurait pu avoir tous les accents du kitsch, mais qui finalement est instructive et amusante à sa manière.

© Coll Jean-Marcel Humbert

 

Musée Champollion