Pour célébrer ses 35 ans, la Galerie De Buci rend hommage à son tout premier exposant, Maxime Vardanian. Armé d’un sens aigu du décoratif, l’artiste ouzbek surplombe la grande histoire de l’art pour bâtir un univers singulier aux confins de plusieurs siècles de création.
/// Emma Boutier
Les toiles de Maxime Vardanian reflètent une intéressante appréhension de l’espace plastique. Si la représentation reste figurative, ses tableaux tendent à l’abstraction, en se présentant comme des mondes autonomes. D’une façon assez inédite, l’artiste associe des thèmes de la peinture occidentale à une manière parfois orientale, notamment par l’usage de l’ornementation.
Dans la lignée d’Henri Matisse, lui-même inspiré par l’art marocain, le peintre s’écarte de la sainte perspective pour privilégier un traitement décoratif, où fond et motifs coexistent sur un même plan. C’est grâce au travail des couleurs que les objets se détachent de la surface.
En effet, Vardanian interpelle par ses talents de coloristes. Lavée ou vibrante, sa palette n’a pas de limites. Les associations de couleurs et les jeux de textures — qui pourront évoquer les Agrigentes de Nicolas de Staël — rencontrent des systèmes de répétition de motifs, qui participent de cette dimension ornementale caractéristique de l’ensemble de son travail.
Dans plusieurs compositions, l’artiste a ajouté de petits médaillons, qui relèvent d’une extrême minutie. Toutes conventionnelles, ces miniatures de portraits ou de vues de paysages contrastent avec l’esthétique moderniste de l’ensemble. Vardanian semble avoir interverti la place de l’ornement avec celle de la peinture de chevalet : les accessoires sont traités de manière bien plus réaliste que ceux qui les portent. L’artiste semble ainsi se réclamer d’une peinture non-mimétique, pour laquelle il affirme explicitement sa préférence par rapport à une peinture illusionniste.
C’est, semble-t-il, en ce sens qu’il joue avec les codes du portrait d’apparat. Légèrement décentré, le sujet est représenté à travers un cadrage abrupt, situant le tableau entre le portrait en pied et celui en demi-corps.
Comme pour augmenter l’effet d’étrangeté inhérent à chacun de ses tableaux, Vardanian dispose des objets incongrus entre les mains de ses personnages (une pastèque, un chien vert). Adepte d’associations inattendues, il épuise l’absurdité de l’objet surréaliste avec une invention tout droit sorti d’un univers à la Boris Vian.
Ce piano/landau/machine à écrire/presse-agrumes cristallise admirablement l’inanité de la création. En associant l’épluchure tournoyante de Claesz et la signature ostentatoire d’une société de dactylographie, l’objet est marqué à la fois comme produit de consommation et oeuvre d’art.
En une synthèse vertigineuse, l’oeuvre de Maxime Vardanian réunit un répertoire inexorable de références à l’art de ses prédécesseurs et un langage anecdotique qui nous ramène à une intimité réconfortante. Devant ces tableaux habités par un vent d’étrangeté, la contemplation ne peut être qu’active : happé par un détail déroutant, une couleur contrastée, une lueur située, l’oeil du spectateur est sans repos.
Galerie De Buci
- Adresse : 73 rue de Seine
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 88 48 06 18
- Site Internet : http://buci.gallery/