« Comme les graines, la postérité d’un grand artiste est heureusement imprévisible et toujours surprenante ». Tels sont les mots de Thierry Dufrêne, historien de l’art et spécialiste de la sculpture moderne, en ouverture de la très belle exposition « Maillol – Héritage », dont il assuré le commissariat, à la galerie Dina Vierny.
/// Camille Noé Marcoux – Historien et Historien de l’art, Chargé de recherches pour le Ministère de la Culture
Depuis 1961 et sa grande rétrospective au Musée national d’art moderne, Aristide Maillol (1861-1944) n’avait plus connu d’exposition d’envergure à Paris. Cette année, enfin, depuis avril et jusqu’au 21 août, le Musée d’Orsay propose une nouvelle grande rétrospective, Maillol, La quête de l’harmonie. Et en parallèle de cet événement, s’attachant davantage aux débuts de la carrière de l’artiste, la galerie Dina Vierny a eu la très belle idée de tirer les fils de l’héritage de Maillol, « pour montrer un regard nouveau sur son œuvre, tourné vers la modernité ».
Ce sont au total 9 sculptures de Maillol, huit bronzes et une terre cuite (de 1896 à 1940), que les galeristes Pierre et Alexandre Lorquin réussissent ainsi, grâce au commissariat de Thierry Dufrêne, à mettre en dialogue avec les œuvres de 8 autres artistes des XXe et XXIe siècles, illustrant autant l’amitié que l’inspiration profonde et sincère pour le maître : Raymond Duchamp-Villon, Henri Laurens, Alberto Giacometti, Etienne Beothy, Henry Moore, Robert Couturier, Sol LeWitt et Wang Keping.
Dès la première salle d’exposition, la galerie Dina Vierny réussi à nous montrer combien Maillol développa « une sculpture qui s’intéresse essentiellement à sa propre forme ». L’Etude pour l’Action enchaînée (1905) de Maillol dialogue avec le bronze doré d’Etienne Beothy Homme supérieur Opus 032 (1928 ; ancienne collection de Paul Rosenberg), ou bien encore l’Etude pour le Monument à Debussy (1930) du maître avec le marbre post cubiste Femme accroupie (1931) de son ami Henri Laurens. Ainsi, le visiteur ne peut qu’admirer cette « sculpture autonome », qui n’est concentrée que sur sa forme et non plus sur sa signification. Comme l’affirme le galeriste Pierre Lorquin, « chez Maillol, la recherche des formes va déjà à l’essentiel », et son frère Alexandre Lorquin de souligner toute la justesse de l’appréciation d’André Gide lorsque, en 1905, celui-ci admira au Salon d’automne la sculpture Méditerranée de Maillol : « Elle est belle, elle ne signifie rien, c’est une œuvre silencieuse ».
Les dialogues entre la Baigneuse accroupie (1920) de Maillol et Les jambes écartées (1947) de Robert Couturier, et entre l’Etude pour le Monument à Paul Cézanne (1912-25) de Maillol et Draped Reclining Figure (1956) d’Henry Moore, illustrent à merveille ces approchements de formes silencieuses que tente, de façon très stimulante, la galerie Dina Vierny. Mais c’est sans aucun doute le pont que le commissaire et les deux galeristes font entre les sculptures Dina à la natte, bronze de Maillol de 1940, et Cube 3 x 3 x 3 en acier de Sol LeWitt de 1979, qui est le plus audacieux ; comme si, 39 ans plus tard seulement, Sol LeWitt, dans sa recherche de pureté totale des lignes, en vient à « ne garder que les arrêtes de la sculpture de Maillol », souligne Alexandre Lorquin ! En cherchant en permanence à représenter l’humanité, Maillol a toujours voulu « viser à l’universel » dans ses sculptures. Et l’héritage qu’il a laissé chez les artistes du XXe siècle, paraît d’une incroyable modernité lorsque, dans la dernière salle de la galerie, au sous-sol, le visiteur peut s’émerveiller devant le dialogue, inédit et vraiment inattendu, entre un buste en bronze de Maillol et la Tête qui regarde (1928-29) en bronze de Giacometti !
On notera également la présence de deux œuvres de l’artiste contemporain Wang Keping, dont une en pierre, Petite femme assise (2019), qui a été mise en dialogue – selon les vœux de l’artiste lui-même – avec une très rare terre cuite de Maillol, Léda (1900), que la galerie Dina Vierny présentera d’ailleurs prochainement en juin à Brafa Art Fair.
Et les deux galeristes de s’enthousiasmer de cette invitation au voyage qu’ils proposent ainsi aux amateurs d’art : « C’est une histoire peu connue de Maillol que nous présentons, mais une histoire importante pour toute la traversée sculpturale des XXe et XXIe siècles. Et nous espérons que ce ne soit que le prélude à un projet muséal de grande envergure dans les années à venir ! »
A noter : pour accompagner l’exposition, la galerie Dina Vierny a publié un beau catalogue relié, Maillol Héritage, riche d’illustrations et avec une précieuse étude de Thierry Dufrêne.
Visuel de couverture : Vue de l’exposition Maillol – Héritage
Galerie Dina Vierny
- Adresse : 36, Rue Jacob
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 42 60 23 18
- Site Internet : www.galeriedinavierny.fr