La Galerie Insula présente, du 8 au 31 mars 2018, l’exposition La multiplicité des possibles mettant en perceptive les œuvres de Mathilde Le Cabellec et de Sarah Navasse.
Le pari délicat qu’est de mettre en perspective deux artistes est, sans conteste, accompli par La multiplicité des possibles. Autant dans les sujets que dans la pratique, les œuvres de ces deux artistes se répondent mutuellement, s’en suit un dialogue muet et imperceptible entre les différents tableaux.
Le langage corporel et la figure humaine sont au cœur du travail Sarah Navasse tant dis que Mathilde le Cabellec se focalise sur les éléments minéraux. Deux thèmes qui s’opposent autant qu’ils se rejoignent. Un contraste qui se retrouve dans les processus de création : les tableaux imposants de Sarah Navasse sont le fruit d’un procédé mêlant mosaïques et collages, ceux de Mathilde le Cabellec, aux dimensions plus réduites, sont en partie dépendantes du hasard par la technique du Nihonga.
Jouant sur les émotions que nous apportent les œuvres, cette rencontre s’apparente au yin et au yang de la philosophie chinoise, où deux univers artistiques complémentaires se réunissent. Face au travail de Mathilde le Cabellec, nous ressentons le calme et la douceur qui s’échappent du procédé traditionnel japonais, où les éléments minéraux se voient transformés et appliqués sur le support pour devenir un fluide léger, parfois translucide. Là où le blanc du papier est laissé vierge de toutes couleurs, le vide s’installe et structure ces formes naturelles qui semblent être en apesanteur. Comme si la cascade, la roche ou la plante avait directement apposé sa marque sur le papier, les réminiscences de paysages contemplés et convoités par notre regard humain apparaissent face à ces peintures. À cette sensation d’apaisement s’ajoute une impression de mouvement et de dynamisme lorsque nous sommes face aux œuvres de Sarah Navasse. Un travail de superpositions qui laisse apparaître, telle un fantôme, l’ombre d’individus, d’animaux, qui semblent sortir d’une autre époque. La palette de couleur insiste sur cet univers composé de fragments d’histoires appartenant à une mémoire reconstituée par l’artiste. En contraste avec les peintures minérales, le gris graphite et les teintes marron se superposent pour laisser place à une transparence et une profondeur, comme si, derrière chaque couche de collage, se cachait une autre scène, une autre dimension.
L’une comme l’autre, les deux artistes laissent à l’observateur une liberté dans la perception de leurs œuvres. Dans les formes colorées et minérales de Sarah Navasse comme dans les superpositions de Mathilde le Cabellec, les éléments que nous discernons varient suivant les individus, laissant, comme le test de Rorschach, entrevoir notre personnalité profonde. L’enjambée nous dévoile, un instant, un couple qui se sépare, l’autre, un buffle luttant contre un lion. Tempête nous évoque à l’un, des arbres enracinés, à l’autre des oiseaux prenant leur envol.
Ces différentes perceptions découlent de nos histoires personnelles, nos souvenirs, nos sensibilités : les deux artistes nous offrent une pluralité dans les possibles lectures de leurs œuvres qui se complètent et se répondent sous les yeux de l’observateur.
Texte : Angèle Imbert
Crédit Visuel : Mathilde Le Cabellec, Réminiscence, Nihonga et technique mixte sur papier, 20 x 30 cm, 2017