Monfreid sous le soleil de Gauguin

Monfreid sous le soleil de Gauguin

Du 25 juin au 6 novembre, le Musée d’art Hyacinthe Rigaud, à Perpignan, présente une remarquable exposition qui met en dialogue l’amitié et l’influence artistique entre deux grands artistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle, George Daniel de Monfreid (1856-1929) et Paul Gauguin (1848-1903).


/// Camille Noé Marcoux – Historien et Historien d’art, ministère de la Culture

 

« Pourvu qu’après ma mort on trouve quelques bonnes choses de moi et qu’on juge dignes d’être conservées, c’est tout ce que je désire. Je serai, pour moi, grandement heureux si je me vois encouragé et apprécié, de mon vivant, par mes amis intimes dont je crois le jugement sain. Le reste n’est que vanité » , écrivait, en 1901, George Daniel de Monfreid à son ami Paul Gauguin.

 

A Perpignan, le dialogue artistique entre Monfreid et Gauguin n’est pas tout à fait inédit. En 1958 déjà, le Musée d’art Hyacinthe Rigaud présentait l’exposition « Gauguin, George Daniel de Monfreid et leurs amis catalans ». Grâce à la collection de sa fille, cette première exposition avait déjà mis en lumière les rapports artistiques que Monfreid entretenait avec Gauguin, notamment dans la diffusion des œuvres de son ami peintre qu’il entreprenait, tant au niveau national qu’auprès de son cercle d’amis du Roussillon. L’année suivante, en 1959, le musée de Perpignan enrichissait ses collections d’une œuvre centrale pour la compréhension des liens qui unissaient Monfreid et Gauguin : L’Hommage à Gauguin, une huile de Monfreid de 1925 dans laquelle l’artiste, veste bleue et longue barbe blanche, se représente devant trois œuvres « manifestes » de son ami Gauguin qui faisaient partie de sa collection personnelle : dont l’Autoportrait à l’ami Daniel (1896) et le fameux masque sculpté dit de Tehura (v.1892), tous deux aujourd’hui conservés au Musée d’Orsay.

 

Paul Gauguin (1848-1903). Autoportrait « à l’ami Daniel », 1896. Huile sur toile. Paris, musée d’Orsay. Photo © RMN Grand Palais (musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski.

 

En décembre 2020, grâce à une aide du Fonds du patrimoine, le Musée d’art Hyacinthe Rigaud parvient à préempter l’achat en vente publique de 96 carnets de Monfreid, couvrant la période 1896-1929, ainsi qu’une œuvre maîtresse de l’artiste, jusqu’à ce jour dans la famille du peintre : l’Autoportrait à la veste blanche (1889). Des acquisitions importantes qui justifiaient pleinement l’ouverture de cette nouvelle exposition-dialogue entre les deux amis peintres !

 

« Je rencontrai l’étrange figure de l’artiste, qui d’abord me fut peu sympathique, écrit George Daniel de Monfreid lorsqu’il rencontre Gauguin à la fin de l’année 1887, à son retour de Martinique. Ses œuvres furent pour moi une révélation : je compris ce que Gauguin cherchait, et du même coup, je pressentis la fausseté de tout ce qu’on m’avait appris sur l’art. Les propos qui m’avaient semblé des paradoxes devinrent des préceptes que je trouvais alors d’une simplicité toute évidente ».

 

L’événement qui permis leur rencontre, fut l’exposition dite Volpini, du nom du propriétaire du Café des Arts où Gauguin, à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1889, organisa un accrochage d’artistes. Là, Monfreid expose avec le groupe impressionniste et synthétiste : Gauguin, Schuffenecker, Bernard, Laval, Roy, Fauché et Anquetin. Monfreid a alors 33 ans et y présente trois de ses œuvres, dont l’Autoportrait à la veste blanche, désormais dans les collections du musée d’art Hyacinthe Rigaud ! Pour la directrice actuelle et commissaire de l’exposition, Pascale Picard, l’exposition Volpini de 1889 peut être considérée comme « le manifeste d’une avant-garde à contre-courant du système officiel. Cette exposition a fait date et marque l’histoire d’un art en quête de modernité, ce qui donne à cet autoportrait une dimension historique supplémentaire ! Monfreid y reconsidère sa manière de peindre, à la fois dans le choix du sujet et dans celui d’une facture nouvelle. Il expérimente l’effet d’optique d’une touche fragmentée en points, joue des lumières et des couleurs, pour aboutir à une œuvre qui reste unique dans sa carrière ». Par sa posture, et son regard assuré et tourné vers le spectateur, « Monfreid semble alors clamer son indépendance face à l’art des copistes serviles de la réalité quand lui se proclame peintre naturaliste ».

 

George Daniel de Monfreid (1856-1929). Autoportrait à la veste blanche, 1889. Huile sur toile. Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud. Photo Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Pascale Marchesan.

 

Au total, le musée d’art Hyacinthe Rigaud présente au public une centaine d’œuvres de Monfreid, parfois inédites, en dialogue avec 13 œuvres de Paul Gauguin qui furent déterminantes pour sa carrière et son processus créatif. Dans un dispositif muséographique très beau et agréable, déployé sur 400m2, l’exposition parvient ainsi à montrer l’évolution et la qualité de l’œuvre de Monfreid, encore assez peu connue du grand public. 

 

Parmi les pièces remarquables de l’exposition, on notera le Portrait d’Olympe Rollet, provenant de l’ancienne collection du poète Victor Segalen ; ou bien encore les exceptionnels 26 bois gravés par Monfreid, qui servirent de matrices pour l’impression du manuscrit Noa-Noa de Gauguin, aux Éditions Crès en 1924 ; et bien sûr les 96 carnets journaliers de Monfreid acquis tout récemment par le musée, qui, désormais, sont librement consultables – et même téléchargeables ! – sur le site internet sur musée.

 

George Daniel de Monfreid (1856-1929). Portrait d’Olympe Rollet – Muller de Beaupré au châle rouge, 1912. Huile sur toile. Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud. Photo Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Pascale Marchesan.

 

En plus de bénéficier d’une collaboration avec Musée d’Orsay, cette exposition permet de valoriser de façon remarquable le réseau des musées d’Occitanie, avec la participation notamment, par leurs prêts d’œuvres, du Musée des Beaux-arts de Béziers, du Palais-Musée des Archevêques de Narbonne, du Musée Toulouse-Lautrec d’Albi, ou bien encore du Musée Fabre de Montpellier.

 

« Si le style de sa peinture est tout à fait singulier, conclue la directrice du musée, Monfreid théorise peu, ou pas, son art, mais a compris spontanément, et de manière très clairvoyante, l’intérêt esthétique des formes primitives que Gauguin recherchait. Leur amitié va être un tandem de la modernité, et il n’y a pas d’équivalent dans la subtilité des échanges artistiques à cette relation hors du commun ! »

 

A noter : l’exposition est accompagnée d’un beau catalogue relié, très riche en documentation et en reproductions.

 

George Daniel de Monfreid (1856-1929). Portrait de Victor Segalen, 1909. Huile sur toile. Collection privée. Photo Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Pascale Marchesan.

 

Visuel de couverture : George Daniel de Monfreid (1856-1929). Hommage à Gauguin, 1925. Huile sur papier marouflé sur toile. Perpignan, Musée d’art Hyacinthe Rigaud. Photo Musée d’art Hyacinthe Rigaud / Pascale Marchesan.

 

Musée des Beaux-Arts Hyacinthe Rigaud de Perpignan

  • Adresse : 16 rue de l'Ange
  • Code postal : 66000
  • Ville : Perpignan
  • Pays : France
  • Tel : 04 68 35 43 40
  • Site Internet : www.mairie-perpignan.fr
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Musée des Beaux-Arts Hyacinthe Rigaud de Perpignan

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