Après 18 mois de fermeture pour travaux, le Musée Départemental Henri Matisse réouvre, agrandi et modernisé suivant l’objectif de diversification des publics énoncé par sa directrice-adjointe Sophie Le Flamanc. Nouvelles acquisitions, création d’ateliers pédagogiques, intégration du multimédia dans le parcours : l’extension répond à une réflexion muséographique longuement mûrie.
/// Emma Boutier
Un nouvel accrochage en écho à l’ambition fondatrice de Matisse
En 1952, la donation d’Henri Matisse à l’Hôtel de Ville du Cateau-Cambrésis acte la naissance d’un musée dans sa ville natale. Manifestant une forte implication dans son élaboration, il avait eu à coeur de proposer une sélection d’oeuvres qui puisse restituer une vision d’ensemble de son parcours, incluant toutes les techniques et supports travaillés au cours de sa carrière.
Le nouvel accrochage du Palais Fénelon est resté fidèle au projet matissien. L’enchaînement des salles reflète la polyvalence de l’artiste, chaque espace étant dédié à un médium : dessins, peintures et gouaches découpées, sculptures, livres illustrés. Le tiers de l’oeuvre sculpté de l’artiste possédé par le musée se trouve échelonné sur deux niveaux, et les trois plâtres de l’étude pour Nu de dos ont été complétés par la récente acquisition d’un bronze, aboutissant à une compréhension globale du processus créatif de cette oeuvre.
De même, grâce à un prêt exceptionnel du Musée Matisse de Nice, le chef-d’oeuvre Tahiti est mis en regard de sa version antérieure. Ces deux états de l’unique tableau réalisé au cours du voyage en Polynésie française acquièrent une place centrale dans l’accrochage, illustrant le caractère décisif de ce séjour dans la carrière de l’artiste, dont les réminiscences ont contribué à l’évolution du style après son retour en métropole.
La restitution du projet de la chapelle de Vence parachève le portrait de Matisse en artiste complet. Des études pour le décor du monument ainsi qu’une maquette sont exposées dans une salle dédiée, pour laquelle un dispositif inédit a été mis au point. Grâce à un écran interactif, le visiteur peut entrer en immersion dans la chapelle en explorant ses moindres recoins.
Un éclairage des inspirations extra-occidentales
Suivant un mouvement plus large de décolonisation des musées, l’accrochage vise à mettre en lumière l’apport de l’art extra-occidental dans l’oeuvre de Matisse. Ainsi, dans l’espace réservé à la période fauve, le Portrait de Marguerite (1907) est mis en regard d’un masque Pende, identifié comme source principale de la peinture. De même, une chute de tapa océanien révèle l’origine des motifs géométriques présents dans les vitraux et chasubles conçus par Matisse pour le décor de la chapelle de Vence.
Deux collections complémentaires : Auguste Herbin et Tériade
La période de fermeture a également été mise à profit pour restaurer plusieurs huiles d’Auguste Herbin, qui viennent enrichir l’espace lui étant dédié. L’évolution artistique du peintre en est rendue plus lisible, de la figuration des années 1900 à l’abstraction géométrique, qui atteint son point d’orgue avec le grand vitrail installé en fin de section.
La donation en 2002 d’Alice Tériade, veuve de l’éditeur et collectionneur grec ayant soutenu activement plusieurs artistes du XXe siècle, a largement contribuer à garnir le fonds du musée. L’atmosphère d’émulation artistique de la période est rendue sensible à travers le réagencement des oeuvres : la Grande Femme de Giacometti trône devant un décor de papiers découpés de Matisse, aux côtés d’oeuvres majeures par Chagall, Miró ou encore Picasso.
Une modernisation du parcours
À l’ère du numérique et dans le contexte d’un tournant digital dans l’histoire de l’art, les dispositifs multimédias s’intègrent progressivement à la muséographie, comme accompagnement à la découverte et l’analyse des oeuvres.
La nouvelle salle immersive du musée a été conçue comme un sas d’entrée dans l’univers matissien. Des diaporamas projetés sur les cimaises transportent le visiteur dans le quotidien de l’artiste, pensé comme un mode d’accès à son oeuvre. L’on y reconnaîtra des éléments constitutifs de ses tableaux, tels que la mandoline, le guéridon ou encore l’emblématique fenêtre.
La dimension pédagogique étant l’un des axes principaux du musée départemental, des ateliers pédagogiques, une bibliothèque et une salle de lecture s’ajoutent aux salles d’exposition.
Comment j’ai fait mes livres, du 23 novembre 2024 au 13 avril 2025.
Pensée comme un prolongement de la collection Tériade, cette nouvelle exposition restitue le protocole créatif de Matisse au prisme du livre illustré. Alors qu’il traverse une période de doutes et d’angoisses liés à un contexte politique incertain et à des problèmes de santé, Matisse trouve dans le livre un refuge. De ses lectures émergent des images, qu’il soumet au processus de dépouillement caractéristique de l’artiste, pour que n’apparaisse sur le papier que l’essentiel, la pureté de la forme.
Le décoratif, aspect central de l’oeuvre de Matisse, trouve l’une de ses expressions les plus sensibles avec l’album Jazz, dans lequel l’artiste développe sa pratique des papiers découpés. Ce livre représente l’aboutissement d’un long chemin vers le détachement du modèle, et matérialise une forme d’art total.
Pasiphaé de Montherlant, Ulysse de Joyce, les Poésies de Mallarmé, tous les ouvrages illustrés par Matisse sont réunis dans le parcours, dévoilant au public une dimension moins célèbre mais essentielle de son oeuvre.
À l’occasion de la réouverture, l’accès au musée est gratuit jusqu’au 1er décembre.
Musée Matisse du Cateau-Cambrésis
- Adresse : Palais Fénelon
- Code postal : 59360
- Ville : Le Cateau-Cambrésis
- Pays : France
- Tel : 03 27 84 64 54
- Site Internet : museematisse.cg59.fr