Pour ce dernier volet du cycle d’expositions consacré au trio suédois « ABC », le peintre Bruno Liljefors (1860-1939) est mis à l’honneur au Petit-Palais. En ce début d’automne, le musée nous emmène dans les confins de paysages suédois reposants. À découvrir du 1er octobre 2024 au 16 février 2025.
/// Emma Boutier
Dévoiler les environs
Dans le contexte d’industrialisation de la fin du XIXe siècle, la vie des animaux représente un mystère pour le petit monde de l’art. Grâce à une acuité scientifique et à un grand talent de coloriste, Bruno Liljefors donne accès aux scènes quotidiennes de ce monde parallèle, que l’on côtoie sans prendre le temps d’observer. Ses compositions octroient au spectateur une posture privilégiée : en surélevant la ligne d’horizon, il nous autorise à voir les recoins cachés d’une nature fascinante.
« Je peins des portraits d’animaux » – Bruno Liljefors, 1902
En accordant le grand format – traditionnellement réservé à la peinture d’histoire – à ces petites créatures, Liljefors leur confère un statut à la hauteur de sa propre admiration. Sous son pinceau, les animaux ne sont plus seulement objet d’étude pour le scientifique soucieux d’élargir sa connaissance du monde, mais deviennent un sujet proprement artistique, digne de contemplation.
En effet, si la précision anatomique des tableaux de Liljefors révèle sa connaissance pointue des animaux, il ne se contente pas de produire des représentations fidèles. Son oeuvre donne seulement l’impression d’un naturalisme illusionniste, mais une observation plus attentive fait apparaître son intérêt pour des questions internes à l’art. Les feuilles sont figurées par des empâtements, tandis qu’une peinture plus lavée rend l’aspect duveteux du pelage de l’animal. Quant aux brins d’herbes, ils sont grattés sur la toile avec l’extrémité du pinceau, témoignant de la participation de Liljefors aux évolutions techniques de l’art de son temps.
Chasseur d’images
Le prisme de la photographie est essentiel pour comprendre le travail de Liljefors, qui disposait lui-même d’un appareil. L’influence de cette technique est manifeste dans ses peintures, qui traduisent des effets de mises au point : la netteté du sujet contraste avec le flou environnant, nourrissant cette dimension « sur le vif ». Grimpant en haut des arbres et se camouflant dans les hautes herbes, l’artiste se fait chasseur d’animaux et d’images pour retranscrire une variété de points de vue.
Un Suédois pur-jus
Amoureux de sa Suède, Bruno Liljefors s’inscrit dans le courant du romantisme national, qui bat son plein dans l’Europe des années 1880. Après un court séjour en France, le mal du pays le conduit à regagner sa terre natale. Dans son œuvre, le symbole de la forêt, propice au déploiement des imaginaires, est travaillé avec un accent proprement scandinave. Ses paysages enneigés contribuent à susciter un sentiment d’apaisement face à un temps figé.
Au fil de l’exposition, on ne peut que se rendre compte de la résonance des préoccupations de Liljefors avec nos sensibilités contemporaines. La vue de ses tableaux fait naître une pointe de nostalgie face à un écosystème si varié. En plus de nous faire découvrir cet artiste méconnu en France, le Petit-Palais nous incite à regarder avec bienveillance l’étendue d’un environnement qui ne cesse de se dégrader.
Petit Palais
- Adresse : Avenue Winston Churchill
- Code postal : 75008
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 53 43 40 00
- Site Internet : www.petitpalais.paris.fr