Révéler l’invisible

                                                                                                                                                                                                   /// Yasmine OUYAHIA

Née en 1983 à Alger, Amina Zoubir a acquis une formation diversifiée, diplômée en Théorie de l’art contemporain de l’Université Paris 8 et en Design graphique de l’École Supérieure des Beaux-Arts d’Alger. Son travail artistique, exposé entre Paris et Alger, se concentre sur la déconstruction des représentations du corps féminin et masculin dans des photographies d’Afrique du Nord, explorant les défis posés par ces images historiques.

L’exposition individuelle, qui s’est construite au cours des quatre dernières années, se base sur les archives et documents collectés au Musée Markk à Hambourg en Allemagne et au Musée Etnografiska à Stockholm en Suède. Ces lieux, détenteurs de photographies d’influence coloniale, présentent un défi pour les institutions culturelles contemporaines, étant à la fois des témoignages historiques et des objets potentiellement problématiques.

Le cœur du travail d’Amina Zoubir réside dans sa capacité à déconstruire délibérément ces portraits difficiles et les images qu’ils véhiculent tout en rompant avec leur contexte historique d’origine. Elle replace les personnes représentées au niveau des sujets, brisant ainsi le cycle de l’objectivation violente persistante. Les collages photographiques en série exposent de manière poignante l’ampleur de l’appropriation coloniale du corps, mettant en lumière le grand nombre de femmes touchées par cette réalité historique.

L’utilisation par Amina Zoubir de sculptures en cire ajoute une dimension tactile et intime à son exploration des luttes humaines et de l’identité physique et mentale. Ces sculptures, engagées et provocatrices, interrogent l’ordre établi et mettent en lumière les enjeux sociaux mondiaux, créant ainsi un dialogue intime avec les photographies exposées. Cette juxtaposition crée une conversation visuelle saisissante au sein de AYN Gallery.  

La force de cette exposition réside dans sa capacité à offrir une perspective nouvelle sur la résilience et la force face à l’oppression. La rencontre entre les collages sériels et les sculptures en cire nous guide dans une exploration profonde de l’identité et de la mémoire collective. L’art d’Amina Zoubir devient ainsi un miroir réfléchissant les couches cachées de notre compréhension collective, invitant le public à contempler comment l’art peut être une force transformative révélatrice des réalités souvent oubliées. « Les corps oubliés » ne sont plus des objets d’appropriation, mais des sujets résilients qui demandent à être vus d’une nouvelle manière.