Le musée Guimet relève l’audacieux défi de reconstituer, à travers cinq oeuvres seulement, une histoire longue du Kazakhstan, du IIIe millénaire avant notre ère jusqu’au XVIIIe siècle. Au fil d’un parcours chronologique jalonné de trésors, l’exposition retrace l’émergence d’un pays marqué par une riche culture, encore peu représentée par les institutions françaises.
/// Emma Boutier
L’évolution des croyances et la permanence d’un rapport spirituel à la nature
Un objet fascinant introduit l’exposition, daté du IIIe millénaire av. J.-C.. Cette petite sculpture anthropomorphe, baptisée le « Penseur de Tobyl », est représentative de la culture de Botai, qui apparaît suite à une période de transition du mode de vie des tribus de la région vers une économie productive, marquée notamment par la domestication et l’élevage de chevaux.
Le renouvellement des habitudes des populations steppiques va de pair avec une évolution de leur être-au-monde, défini par l’importance consentie à la nature et au climat. La posture et le regard du Penseur de Tobyl traduisent cette proximité entre l’être et son environnement. La représentation stylisée du corps et l’absence de proportions génèrent une impression d’ancrage de la figure dans le sol, tandis que la profondeur des orbites suggère un état de communication avec les cieux.
Le second jalon du parcours est incarné par les éléments d’ornementation de l’Homme d’or, guerrier dont la sépulture a été découverte en 1969 à Issyk, et qui fut érigé en symbole du pays. À l’intérieur du tumulus ont été retrouvés des objets témoignant d’un haut degré de maîtrise de l’orfèvrerie, dont le décor s’inscrit dans un répertoire de formes animales et mythologiques. Les animaux, représentés sur les armes des guerriers, devaient garantir une protection durant les combats.
L’art funéraire, un indicateur culturel important
La découverte de la sépulture de l’Homme d’or a permis d’élaborer des hypothèses fondamentales à propos des croyances des Saka, confirmant l’importance de l’art funéraire pour les chercheurs.
L’époque de l’élaboration du Kaghanat, qui réunit plusieurs États turciques, est figurée dans l’exposition par deux Balbals, des stèles funéraires anthropomorphes. La stèle féminine est particulièrement précieuse, car il est relativement rare que les Balbals, qui étaient érigés la plupart du temps en l’honneur des guerriers, adoptent des traits féminins.
Ces figures nous renseignent sur les croyances des populations turciques, qui leur attribuaient une dimension sacrée. Les Balbals devaient protéger les territoires et leurs habitants des mauvais esprits, ainsi qu’améliorer la fertilité des terres. Certains chercheurs ont supposé qu’ils pouvaient servir de repères géographiques pour les nomades qui traversaient les steppes.
L’art comme marqueur social
À travers les oeuvres exposées, l’on devine l’existence d’une organisation sociale hiérarchisée, persistant à travers les siècles. La richesse ornementale qui caractérise la tombe de l’Homme d’or permet d’entrevoir le sommet d’un système inégalitaire, poursuivi jusque dans la mort.
De même, la préciosité des matériaux qui composent le chapan de Kayzbek bit Keldibekuly (XVIIe-XVIIIe siècle), vêtement cérémonial qui clôture l’exposition, témoigne de la fonction d’identification consentie au décoratif. La variété des motifs et la méticulosité du travail de broderie révèlent une volonté de doter le vêtement d’une symbolique forte, qui devait s’incarner dans la personne portant le chapan.
À l’aide d’une scénographie visant à restituer les oeuvres dans leur contexte d’origine et à plonger le visiteur en immersion, l’exposition trace un chemin jusqu’à l’apparition du Kazakhstan sous sa forme moderne, à travers une sélection d’objets révélateurs de l’évolution des us et coutumes, en lien avec les bouleversements socio-politiques qui ont marqué l’histoire du pays.
Musée Guimet
- Adresse : 6 place d'Iéna
- Code postal : 75016
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 56 52 53 00
- Site Internet : www.guimet.fr