Villa du Temps retrouvé Cabourg « Balbec »

Épicentre de la mémoire proustienne, la ville de Cabourg, cité balnéaire du Calvados rebaptisée Balbec dans la Recherche, a inauguré au printemps 2021 une maison musée, ou un musée maison, sur laquelle l’ombre tutélaire de l’écrivain Marcel Proust nous accompagne pour une évocation de la Belle Epoque dans une station balnéaire de la Côte Fleurie.

/// Stéphane Gautier

« Ayant appris qu’il y avait, à Cabourg, un hôtel, le plus confortable de toute la côte, j’y suis allé. Depuis que je suis ici, je peux me lever et sortir tous les jours, ce qui ne m‘était pas arrivé depuis six ans » écrit Marcel Proust à son amie la princesse de Caraman Chimay durant l’été 1907. C’est sûrement la seule fois que Marcel Proust citera nominèment le nom de la célèbre station balnéaire de la Côte Fleurie. Il préfèrera y superposer le nom imaginaire de Balbec – toile de fond d’A l’ombre des jeunes filles en fleurs. Ainsi, dans une troublante coïncidence, un paysage rêvé va se superposer à un paysage réel.

Balbec Cabourg est un décor paradisiaque qui concentre le temps d’une saison les privilégiés du riche Paris. Les Verdurins y possèdent une maison et Proust y rencontre Albertine. C’est à Balbec Cabourg qu’il peut s’échapper de son étouffante prison parisienne et évoluer dans une lumière irisée rappelant la peinture impressionniste.

Balbec Cabourg ce sont les jours heureux avec sa grand-mère, « la vie marine se transforme en peinture et les mots se transforment en couleurs. ». Balbec Cabourg c’est une évocation et la Villa du Temps Retrouvé, fenêtre ouverte sur la Belle Epoque, l’a bien compris. Loin d’avoir créé un lieu figé autour de la figure proustienne et de la Belle Époque, la Villa du Temps Retrouvé se veut être une évocation comme un parfum distillé entre ses murs. Ici pas de collections permanentes, mais des prêts de prestigieuses institutions (le Mobilier National, la Bibliothèque nationale de France, la Réunion des musées métropolitains de Rouen) ou de généreux prêteurs privés comme le marchand d’art Mathias Ary Jan qui a entre autres confié à la villa un très joli portrait de Madame Legendre (1893) par Jules Clairin, ou un délicieux tableau du peintre Auguste Toulmouche intitulé Le Baiser (1885).

Ainsi, au milieu des portraits de ces élégantes et mondains peints par Jacques Emile Blanche ou François Flameng, se superposent dans les salons de la Villa les noms des figures proustiennes : Oriane de Guermantes, le baron de Charlus, Madame de Forcheville.

Visiter la Villa du Temps Retrouvé, c’est entendre sur le Pleyel du salon de la villa les notes fantomatiques de la sonate de Vinteuil, c’est respirer un parfum délicieusement suranné, celui de la Belle Époque.