« Voyage dans les pierres et la lumière » avec Ahmet Ertuğ à la Conciergerie

/// Nora Djabbari

Qu’on en commun le Panthéon de Rome, l’auditorium de la Sorbonne et les escaliers du Château de Chambord ? Tous ont été capturés par l’œil panoramique d’Ahmet Ertuğ. Voilà un demi-siècle que cet artiste explore, observe et palpe les monuments, agissant tel un docteur prenant le pouls de ses patients, avant de les magnifier à travers l’objectif acéré de sa caméra. Une façon de nous aider à mieux ouvrir notre regard lors de nos visites, et à nous faire ressentir les siècles d’histoire qui se cachent derrière notre patrimoine. Ce n’est pas la première fois qu’il expose ses clichés à la Conciergerie. L’artiste avait déjà eu l’occasion d’y présenter des images d’architecture de la période byzantine et ottomane. Aujourd’hui, la Conciergerie expose 20 clichés répartis le long de son axe central.

Les photographies de Ahmet Ertuğ nous invitent à une déambulation à travers les plus grands chefs-d’œuvre architecturaux d’Europe, du XVIIe au XIXe siècle. Ses prises de vue panoramiques, effectuées avec des appareils et des négatifs de grand format, une technique d’exposition longue et des angles larges restituent l’infinité de détails de ces lieux. Elles nous permettent ainsi de voir d’un seul coup tout ce que l’œil humain ne peut percevoir en une seule fois. Chargés de silence, les lieux apparaissent à la fois éternels et hors du temps, imposants et rayonnants. De la lueur magnétique émanant d’un trou de mosaïque ou filtrant d’un vitrail aux dômes qui semblent retenir l’écho des murmures du passé, Ahmet Ertuğ capte tous les détails.

“Je mets mes pas dans ceux de l’architecte qui a construit ce que j’ai sous les yeux. Puis je me demande où cet homme, dont des siècles me séparent, se serait posté pour contempler son œuvre. Alors seulement je m’installe. Toute l’âme du lieu ressuscite ainsi dans ma première image”, explique t-il. Cette fascination pour la perspective et les points de fuite lui provient sûrement de sa formation et de sa profession d’architecte. C’est seulement à la suite d’un voyage d’un an au Japon qu’il décide de s’adonner entièrement à la photographie et se découvre une passion pour les architectures du sacré.

Les photographies d’Ahmet Ertuğ ne sont pas simplement des images figées, mais plutôt des fenêtres ouvertes sur le passé, invitant les visiteurs à contempler avec un regard renouvelé. En excluant délibérément la présence humaine de ses clichés, Ertuğ crée des espaces qui nous incitent à nous projeter mentalement, à nous promener. Il n’est pas seulement photographe, il est aussi historien de la beauté, de sa propre façon.

Des catalogues de son travail contenant ses photographies en grand format ainsi que des textes sur sa pratique est disponible et en vente à la librairie de la Conciergerie.