Entrez, du 29 mars au 12 mai, à l’Intérieur de la galerie Teodora, qui expose les peintures de l’artiste Ariana Matta, nous conduisant très loin au dedans de nous même.
Se déplacer dans l’exposition s’apparente à marcher dans un rêve. La peinture de Ariana Matta nous emporte, nous aspire, nous inhale dans l’intimité de maisons et d’architectures inhabitées. A peine un regard, et nous sommes déjà à l’intérieur. La porte est juste derrière nous, tandis que la pièce se projette sous nos yeux. Quelques touches saccadées de matières roses, bordeaux et vertes, ici et là estompées dans un blanc laiteux, et des commodes, des miroirs et des chaises apparaissent, tandis que ombres et lignes d’un parquet fusent pour absorber notre regard. Les perspectives oniriques de Ariana Matta sont hypnotiques.
Mais, l’image nous happe aussi bien qu’elle nous échappe. La peinture à coups de couteaux est d’une douceur paradoxale : les formes s’entremêlent, coulent et se diluent. Tout se passe comme si le salon se reflétait dans une flaque d’eau, remplie de poésie. Tranquilles et immobiles, ces paysages intérieurs suspendent le temps. Pourtant, les lignes traversent la toile à vive allure, évoquant le train qui passe et disparaît. La figuration est comme flottante : un souvenir lointain a l’air de se projeter sur la surface de la toile, avant de se dissiper dans la vapeur de l’oubli. A l’instar de l’image qui éclot, plongée dans le bain du révélateur, la maison, peut, à tout moment s’effondrer dans l’abstraction. Mais, au lieu de cela, elle s’affirme dans une fragilité chargée de force.
Dans Intérieurs, vous entendez rieurs, car l’artiste se fait architecte de l’âme en nous plongeant dans l’intimité de nos humeurs, pensées et souvenirs, si bien que les espaces, pourtant vides de présences visibles, paraissent habités. A mesure que nous les regardons, nous pouvons entendre l’écho sourd de voix, de rires et de chansons. L’apparente futilité de la décoration d’intérieur se révèle d’une grande profondeur, dès lors que l’on pense que ces maisons sont comme des corps où nos esprits demeurent.
Mais ces corps et décors architecturaux ne sont pas scellés dans leurs frontières. Chaque tableau au bout de sa perspective, donne vue sur une fenêtre ouverte sur le monde. Ainsi l’artiste donne t-elle tout son sens au terme point de fuite. Fuite de lumière blanche au milieu de la composition qui permet à l’infini d’entrer sans frapper. Cette tâche de blanc contient en elle même tous les possibles. Elle est comme le désir, l’énergie qui anime la vie et pousse chacun et chacune à se faire être. Ce halo blanc, c’est le train qui passe à l’intérieur de nous pour nous mettre en mouvement et nous projeter à l’extérieur.
Texte : Elodie Réquillart
Crédit visuel : Intérieurs, Ariana Matta, peinture à l’huile, 2018