Du 19 avril au 5 mai, la galerie Rouan présente les peintures de Ralph Resch : champs de matières colorées.
Quelle est ta matière préférée ? Demande t-on aux élèves. Ralph Resch aurait sûrement répondu : la terre, rugueuse et sablonneuse. Car ses toiles monumentales nous toisant de leur 2m de hauteur, révèlent moins un propos qu’une matérialité. Ainsi pouvons-nous plonger dans les aspérités de la couleur ocre, beige, brune ou grise. Une gamme chaude qui évoque la chair ou la terre aride, asséchée par le soleil brûlant. Les toiles de Ralph Resch semblent faites de couleur cuite. Elles évoquent la palette rugueuse de Jean Fautrier et la souplesse floutée des champs colorés de Mark Rothko.
Au milieu de la toile, une forme circulaire, aux bordures estompées, prend place, légère comme un nuage de poussières. Cette planète solaire trempe dans une eau grise et pétrifiée, de laquelle se hisse des lignes blanches, ascendantes et hésitantes. La sphère paraît éclore de la terre, semblable au soleil levant. La couleur qui la compose a des allures d’écorces, balafrée par des traces filantes, qui insinuent une atmosphère mouvementée et remuée. Aussi, semble souffler un vent de particules, qui atténue les lignes et disperse la forme dans l’aura de la matière. Le cercle a l’air prêt à muter, prêt à se désagréger ou à s’élargir, évoquant l’image du scarabée Khepri, qui, dans la mythologie égyptienne, roule sa boule de fumier pour l’enfouir dans la terre, et ainsi se régénérer : du désordre de la matière renaît indéfiniment la forme.
Mais, la toile, en réalité, est intitulée Gong. Le cercle, en effet, pourrait représenter une cymbale dorée. Mais c’est surtout l’énergie de sa sonorité qui est figurée. Un son contenu, mais néanmoins allongé et étiré, un son noble qui se diffuse comme une onde. Son bruit est circulaire et rayonne comme la couleur brune se tamise dans le dégradé. Instrument à percussions, comme la matière est percutante. Nous entendons la peinture tonner, sa matérialité est musicale.
La peinture terrestre de Ralph Resch est alors, en dépit de sa pesanteur physique, aérienne et en proie à l’élévation. Elle met à mal l’opposition entre l’âme et la chair, entre le sensuel et le spirituel. Car en effet, le grain de la peau réclame le grain de la toile : la couleur est tactile. À la regarder, nous pouvons sentir la surface du parpaing ou le grain de sable érafler la paume de notre main. Et pourtant cette sensualité n’existe qu’imaginée. L’expérience esthétique mobilise l’ensemble de notre mémoire sensorielle. À regarder les toiles de Ralph Resch nous reprenons nos esprits, et habitons pleinement nos corps.
Texte : Elodie Réquillart
Crédit visuel : GONG, Ralph Resch, 155×195 cm, techniques mixtes