Du 17 janvier au 25 février, la Maison Européenne de la Photographie présente l’exposition Nino Migliori, la matière des rêves, qui retrace les nombreuses expérimentations menées par le photographe italien tout au long du XXe siècle.
Difficile de choisir une seule photographie pour illustrer l’univers multiforme de Nino Migliori. Né en 1926 à Bologne, l’artiste n’a eu de cesse de renouveler son vocabulaire photographique en puisant dans de nombreuses techniques expérimentales, qu’il invente ou qu’il revisite, et dans d’autres médiums, comme la peinture. Ce qui donne un oeuvre explorant aussi bien la figuration que l’abstraction, le noir et blanc que la couleur, l’argentique qu’une gestualité énergique allant parfois jusqu’à défigurer l’image, comme par exemple dans la série des Cancellazioni (Effacements) : il y emploie la technique dite du « cliché verre », qui consiste à inciser la surface d’une pellicule préexistante pour aboutir à une nouvelle image, ici une jeune femme étrangement rhabillée par la texture émiettée du film photographique retravaillé par Nino Migliori.
De l’Italie des années 1950, dont il saisit la revitalisation soudaine après les difficiles années de guerre, à la série des Cuprum réalisée en 2015 où il capture des tables de café marquées par les traces de bouteille « à vol d’oiseau », de sorte que le spectateur peut croire dans un premier temps qu’il contemple plutôt une planète, le photographe saisit toutes les occasions de questionner la vie de la matière et la capacité de l’oeil à y retrouver des formes. D’après Alessandra Mauro, c’est bien cette recherche formelle continue qui fait l’unité du travail de Nino Migliori : un goût de la composition géométrique rigoureuse que l’on retrouve dans le plus anodin portrait des débuts figuratifs italiens, une volonté de saisir l’action du temps sur les formes du quotidien, de la plante verte aux monuments new-yorkais, une absorption constante des explorations de l’art de son temps – comme l’abstraction américaine ou le développement du graffiti – qui aboutit à des oeuvres hybrides, où le geste de l’artiste rencontre les effusions de la matière qui existe par elle-même, souvent indépendante de ses directives. Une rétrospective était donc bienvenue pour mieux appréhender toutes les ramifications du travail de ce photographe prolifique.
Texte : Alix Ricau
Crédit Visuel : Nino Migliori, Série Cancellazioni, 1954 @Fondazione Nino Migliori, Bologna