Du 11 octobre au 14 janvier, la Maison Doisneau présente Une rétrospective, première exposition monographique de l’américain Stephen Shames, dévoilant des œuvres de 1960 à 1970.
C’est avec une grande justesse que Stephen Shames met en images le quotidien de la population du Bronx, et celui des membres du mouvement d’émancipation des « Black Panthers ». Artiste ou activiste ? Les deux. Il livre, au fil des sept années passées auprès de ce mouvement révolutionnaire de libération afro-américaine, un pan de l’histoire de l’Amérique des années 1960 aux années 1970. Sa rencontre déterminante à l’université de Berkeley en Californie avec le fondateur de l’organisation, Bobby Seale, déclenche l’implication de l’artiste dans la défense des droits civiques. Son immersion, sans adhésion, au sein de ce mouvement se traduit par des clichés bruts des militants en action. Des fondateurs du groupe révolutionnaire – Kathleen Cleaver et Huey Newton, entre autres – aux troupes en exercice, l’artiste se veut témoin d’une structure en lutte contre les inégalités, à laquelle il rend toute sa noblesse. Au plus près des discriminations et injustices subies par la communauté noire américaine, ses photographies noir et blanc saisissent l’instant au cœur de l’action, retranscrivant la réalité telle qu’elle est, sans artifice.
Le regard franc de Stephen Shames se braque de la même façon sur les oubliés du « rêve américain ». La série « Bronx Boys » met ainsi en scène une Amérique pauvre, une Amérique violente ; une réalité crue qui tranche avec l’idée de faste fréquemment véhiculée. Prisons pour adolescents, violences du quotidien, fléau des drogues, le photographe n’épargne aucune problématique de sa société. Son doigt s’active lorsque la situation s’y prête, telle une pulsion instinctive. Stephen Shames sait aussi capturer des moments de vie émergeant de la détresse sociale : l’intensité des regards d’enfants, les instants de partage en famille ; une capture d’instants précieux dans un environnement hostile. L’esprit du visiteur est pris dans cette réalité dure d’une société ambivalente, aux prises avec ses démons. Avec Une rétrospective, Stephen Shames signe une exposition engagée qui, cinquante ans plus tard, semble toujours d’actualité.
Texte : Siham Zaïd
Crédit visuel : Stephen Shames, Bureau des Black Panthers, Chicago, 1970 © Stephen Shames / courtesy Treven Kasher Gallery