Du 5 octobre au 11 novembre, la galerie Lazarew présente Dérives, la deuxième exposition de l’artiste ukrainien Sergey Kononov.
Né à Odessa en 1994, Sergey Kononov est un de ces talents incarnant la nouvelle génération de l’art contemporain ; celle qui bouscule les codes, et impulse les expositions qui comptent. De ses premiers cours de peinture dans l’atelier d’un artiste de sa ville natale jusqu’à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris, en passant par le Collège d’Art d’Odessa et l’Académie d’Etat de Génie Civil et d’Architecture d’Odessa, il n’y a qu’un pas. Si certains jugent que trop de technique nuit à l’expression artistique, Sergey Kononov revendique son parcours de jeune prodige : « Il faut savoir comment faire parce que après, je peux déconstruire comme je l’entends. » Il peint à l’huile et à la bombe aérosol, jouant de sa maîtrise du dessin et de la couleur. Son oeuvre est à l’image de l’artiste ; il est le fruit des questionnements qui l’animent.
Après Rouge en juin 2016, sa première exposition rassemblant une série de portraits serrés et décontextualisés, dépeignant de jeunes gens errants et tourmentés, Sergey Kononov élargit le cadre. Tel un écho au nom de cette nouvelle rétrospective, « Dérives », le décor envahit désormais la toile. Ce décor, c’est celui d’une nature où la végétation, les lacs, mers et rivières sont omniprésents, et au centre de laquelle la figure humaine prend place. Dans cette ode au vivant, Sergey Kononov ne parle plus d’un homme mais de l’Homme, renvoyant à la notion globale d’humanité et son interaction avec l’environnement. A l’instar des philosophes qui ont fait de la Nature la puissance créatrice de l’univers, le plasticien l’a érigé ici comme force motrice de sa réflexion artistique.
Sergey Kononov aime marier les techniques : dans un savant mélange de peinture à l’huile et de bombe aérosol, il obtient différentes brillances et épaisseurs, pour un rendu à la fois précis dans sa technicité mais flou dans son approche visuelle. Le flou, si propre au style de Sergey Kononov, apporte un effet particulièrement chimérique à son oeuvre. « Le flou est à l’image de notre siècle où tout se passe très vite., analyse l’artiste, On fait tout pour économiser du temps, et en fin de compte, on oublie de vivre. » Quelle meilleure métaphore que celle-ci pour appréhender l’ensemble de ses toiles. L’une d’elle, La Barque, est assez symbolique de cette conception de l’époque : deux personnages, l’un de face l’autre de dos, se tiennent assis dans une barque, voguant – errant – au milieu des eaux. Les tâches blanches apposées sur les protagonistes tranchent avec la noirceur du reste du tableau ; l’incandescence des sujets en opposition avec un décor sombre, presque hostile, entretient une atmosphère paroxystique. Le regard de l’homme de face hypnotise, il traduit la déperdition de l’âme face à la multiplicité de phénomènes planétaires qui nous éloignent de l’essentiel. Une force dans le regard qui poursuit ainsi le visiteur tout au long de l’exposition, telle une invitation à reprendre pied dans un monde qui bien souvent lui échappe.
Vernissage le jeudi 5 octobre à partir de 18h30.
Texte : Léa Houtteville
Crédit visuel : Sergey Kononov, La Barque, 2017, Huile et bombe aérosol sur toile, caisse américaine blanche, 68 x 120 cm. ©galerie Lazarew