Encore quelques semaines pour profiter de la dernière exposition de l’Atelier des Lumières, cette ancienne fonderie du Chemin-Vert créée en 1835 redécouverte il y a plusieurs années par Bruno Monnier, président de Culturespaces, qui a eu l’idée originale de la transformer en un centre d’art numérique. Depuis son ouverture en 2018, plusieurs expositions sur des peintres illustres comme Gustav Klimt, Victor Van Gogh ou Dali se sont succédées. La dernière en date est Cézanne, Lumières de Provence, suivie d’un programme plus court sur Vassily Kandinsky, L’odyssée de l’abstrait du 18 février 2022 au 20 janvier 2023.
/// Lolita Fragneau
Paul Cézanne (1839-1906) était un peintre autodidacte et extrêmement prolifique, qui compte environ 900 toiles et 400 aquarelles. Il s’est illustré dans de nombreux genres comme les portraits, natures mortes, paysages, et scènes historiques. Reconnu tard par ses contemporains, lors d’une rétrospective organisée en 1895 par Ambroise Vollard, Cézanne est aujourd’hui considéré comme le pionnier de la modernité. Sa construction unique des formes et de la couleur et sa tendance à l’abstraction, l’amènent à dépasser l’impressionnisme, une de ses premières sources d’inspiration. Il influence ainsi les cubistes, les fauves et les avant-gardes, Picasso le désignant même comme « notre père à tous ».
Cet évènement numérique et immersif plonge le visiteur dans une traversée des principaux chefs-d’œuvre de Cézanne tels que : Nature morte aux pommes, Les joueurs de cartes (1890-95) et Les grandes baigneuses (vers 1906). Le parcours thématique créé par Gianfranco Iannuzzi et mis en scène par Cutback révèle la tourmente intime du peintre, la force de ses constructions, son rapport à la lumière et aux couleurs, mais aussi le lien étroit qu’il entretient avec la nature.
Ne manquant pas d’ironie, mais rendant également hommage aux heures passées par le peintre à contempler les œuvres du musée du Louvre, l’exposition s’ouvre d’abord sur l’ambiance des expositions officielles de la fin du XIX siècle, en présentant les tableaux de maîtres exposés les uns en dessous des autres comme c’était le cas dans les fameux Salons qui refusaient de présenter les travaux de Paul Cézanne.
Le calme apparent de cette séquence est soudainement interrompu par le motif de la pomme issu de ses natures mortes, rappelant sa célèbre citation connue de tous : « Avec une pomme, je veux étonner Paris ! ». Les fruits bousculent alors la tranquillité apparente et créent une rupture avec le premier décor mis en place, sur la musique jazz et dynamique Songe d’Automne de The Rosenberg Trio, composée par Django Reinhardt.
La deuxième partie entraîne le visiteur dans la nature cézannienne par excellence : la forêt luxuriante, les promenades bucoliques, les virées au bord de l’eau, et enfin la fameuse Sainte-Victoire donnent à voir le plaisir de l’artiste de déambuler dans des lieux marqués par la tranquillité qui les caractérise. « Ici, au bord de la rivière, les motifs se multiplient, le même sujet vu sous un angle différent, offre un sujet d’étude du plus puissant intérêt » écrivait le peintre à son fils en 1906.
Ces doux paysages laissent place dans une autre partie aux célèbres baigneuses et baigneurs, des personnages aux traits extraordinairement variés et aux touches de couleurs légères. Les différentes études préparatoires et l’œuvre Les Grandes Baigneuses (1899-1906) conservée aujourd’hui au Philadelphia Museum of Art, apparaissent sur les murs de l’Atelier des Lumières, transportant l’œuvre de l’autre côté de l’Atlantique sans pour autant la faire bouger et risquer de la détériorer. C’est ici qu’on constate le génie d’une telle exposition numérique : faire voyager les œuvres d’art d’un pays à l’autre, voire d’un continent à un autre, et les rendre vivantes, en les animant dans un décor prêt à les dépoussiérer d’une banale balade muséale. Faire ressentir à n’importe qui, petits ou grands, amateurs comme connaisseurs, ce que l’art peut apporter comme émerveillement aux générations passées, présentes et futures.
L’artiste numérique Gianfranco Iannuzzi commente d’ailleurs bien son travail : « J’utilise les technologies multimédias les plus avancées pour permettre aux visiteurs d’expérimenter l’art d’une manière émotionnelle. Créer un environnement sensoriel, musical et visuel, interactif ; sublimer des lieux exceptionnels par l’art numérique, voilà comment je pourrais résumer simplement ma démarche qui immerge le public au cœur d’une œuvre dont il est lui-même acteur ». Une virée sensorielle étonnante et singulière qui donnera envie aux plus motivés de se rendre sur les traces des vrais tableaux éparpillés dans le monde.
Atelier des Lumières
- Adresse : 38 Rue Saint-Maur
- Code postal : 75011
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 0180984600
- Site Internet : atelier-lumières.com