Un lieu, une histoire d’amitié

Un lieu, une histoire d’amitié

Du 10 février au 22 avril 2023, la galerie Clavé Fine Art réunit, pour la première fois et dans une même exposition trois artistes phares du XXe siècle : César, Antoni Clavé et Germaine Richier. À travers un accrochage regroupant peintures, œuvres sur papier, gravures et sculptures, Clavé Fine Art présente l’étendue des liens artistiques et amicaux qui existaient entre ces trois plasticiens, rappelle leurs influences communes (Picasso, Gonzalez, et Giacometti) et confronte leurs approches distinctes de la création.

/// Lolita Fragneau

Ce qui rassemble ces trois artistes, c’est d’abord le lieu. Le XIVe arrondissement de Paris se déploie comme un centre névralgique artistique qui mêle les différents ateliers. La galerie se tient au 10 bis rue Roger, endroit qui a vu naître certaines œuvres phares de César, à seulement quelques mètres du 36 avenue Jean Moulin, lieu de travail de Germaine Richier. Non loin de là, au 4 rue de Châtillon, Antoni Clavé vécut pendant plusieurs années, restant proche de ses deux amis. A partir de ce constat, c’est « plus qu’un quartier commun, c’est l’histoire d’une amitié au cœur du XIVe arrondissement. Les souvenirs du Montparnasse d’après-guerre, les souvenirs de l’atelier. Eux qui y passaient la plus grande partie de leur temps, chacun dans son « antre », à travailler, inventer, s’amuser, créer. »

César, Nu assis, 1956, Bronze soudé, fondeur Barelier, 104 x 48 x 52 cm

Les œuvres exposées de César – célèbre sculpteur français – parfois figuratives, parfois abstraites, sont très loin de son immensément célèbre Pouce. Ses sculptures de corps nus font un écho intéressant aux esquisses corporelles de Germaine Richier, celle qu’on surnommait « L’Ouragane », ou ses propres sculptures représentants des hommes en pleine action ou des couples rassemblés. Antoni Clavé, qui n’est « pas sculpteur au sens traditionnel du terme » mais plutôt « un assembleur », s’éloigne davantage de ses camarades même s’il garde toujours le travail de César en tête : ses « assemblages » sont beaucoup plus abstraits et ses médiums changeants. Finalement, ce qui marque l’intérêt pour ces trois artistes, c’est que chacun d’entre eux traduit « à sa manière leur perception de l’esprit du temps et de la situation du monde ».

Aude Hendgen, responsable des Archives Antoni Clavé, rappelle que « la matière, assemblée par Clavé et César, tout comme lorsqu’elle est modelée par Germaine Richier, est au cœur de leur libération des assujettissements naturalistes. C’est l’un des points communs qui ressort de cette triple exposition […]. Germaine Richier la métamorphose et l’hybride, Antoni Clavé l’assemble dans toute sa diversité, César la dompte et la compresse. »

Germaine Richier, Le Coureur, petit, 1954, Bronze, 38,5 x 11 x 20 cm, Collection privée, Paris

Elle affirme d’ailleurs que s’il est impossible de comparer ces artistes, « les présenter ensemble offre au contraire une occasion de remonter le fil des amitiés, de proposer d’éclairer leurs démarches artistiques respectives et d’envisager une histoire de l’art commune dans le Montparnasse de l’après-guerre. Car il s’agit bien au départ pour Antoine Clavé de proposer, dans sa galerie qui fut autrefois l’atelier de César, une exposition de son arrière-grand-père et de deux de ses amis. Deux amis sculpteurs, lui qui fut d’abord peintre et graveur et qui considérait sa sculpture comme moins sérieuse, presque un divertissement. »

L’exposition présente les grandes problématiques qui obsédèrent les artistes du XXe siècle : quelle nouvelle perception du corps à apporter dans l’art ? Où se trouve les frontières entre figuration et l’abstrait ? Et comment traduire le mouvement, l’instabilité ou au contraire l’immobilité.

Antoni Clavé, Grand guerrier, 1962, Bronze, fondeur Guyot, 55 x 30 x 12 cm (63 x 30 x 12 cm avec base)
 

Galerie Clavé Fine Art