/// Nora Djabbari
Curieuses sculptures cubiques qui se regardent dans cet espace exigu qu’est le Musée Zadkine. L’allure altière, la bouche dédaigneuse et la tête pensive, elles se font face, parfois illuminées par des petites lueurs de lumière filtrant de la fenêtre. Toutes ont ce petit quelque chose qui suscite l’affection. C’est un plaisir des yeux simple : ces sculptures possèdent toutes une esthétique épurée qui invite à se concentrer sur l’essentiel : l’expressivité d’une émotion ou la chaleur d’un sourire. Car c’est en effet ce qui prime dans le travail de la sculptrice Chana Orloff. Une capacité à faire de ces créations de puissantes incarnations humaines. Femmes fines ou rondes, jeunes ou âgées, affligées ou apaisées, Chana Orloff les a toutes sculptées, marquant son époque avec un regard aiguisé sur la diversité de l’expérience féminine. Il s’agit d’une personnalité oubliée de l’histoire de l’art dont vous n’avez peut-être pas entendu parler. Pourtant, quelle vie ! Son œuvre compte près de 500 sculptures auxquelles s’ajoutent plus de 3000 dessins et esquisses, mais aussi des gravures.
Véritable hommage à cette figure majeure, l’exposition s’attarde à remettre au goût du jour son talent. Comme beaucoup d’artistes de son temps, Chana Orloff a partagé le désir de renouveler l’iconographie de la femme moderne tout en adoptant un style avant gardiste. C’est d’ailleurs sans doute la raison pour laquelle son œuvre ne nous est pas encore suffisamment parvenue. Libéré de l’académisme et des grands courants artistiques de son époque comme le cubisme et l’expressionnisme, Chana Orloff a gardé un style figuratif, contrairement à ses pairs qui étaient acteurs de changements picturaux plus brutaux.
De l’évocation de sa vie à la mise en valeur de ses thèmes figuratifs fétiches, rien n’est oublié dans cette exposition. Née en Ukraine d’un père précepteur et d’une mère sage femme, Chana Orloff émigre avec sa famille en Palestine en 1905 puis rejoint Paris pour entamer des études de couture. Très vite, son attrait pour le dessin la fait connaître. Son style particulier, plein d’humour, qui peut évoquer en certains aspects la caricature, se nourrit alors au contact de son vaste cercle d’amis artistes. Modigliani, Chagall ou encore Zadkine sont autant de figures amicales qu’elle côtoya. Mais son style sans cesse renouvelé fut toujours marqué par l’obsession de la tendresse. Cette tendresse expressive, on la sent à travers la rondeur d’un sein nourrissant son enfant, à travers le regard vif d’une fillette ou les joues potelées d’un visage gai.
Le parcours met en valeur trois thématiques chères à la sculpteuse : la maternité, les animaux et l’enfance. Ce parcours est également marqué par l’exposition d’ œuvres évoquant des moments de douleur. Marquée par l’exil, la guerre, le deuil et la spoliation, les épreuves ont influencé son œuvre.
L’exposition tisse le portrait d’une artiste libre et ambitieuse, qui parvint, par sa résilience, à puissamment sculpter son époque.
Musée Zadkine
- Adresse : 100 bis rue d'Assas
- Code postal : 75006
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 40 46 84 27
- Site Internet : www.zadkine.paris.fr