Bien qu’elle soit surtout connue pour ses travaux d’architecte, d’urbaniste ou de designer, Charlotte Perriand a développé, au cours de son œuvre, une “parenthèse photographique” entre la fin des années 1920 et 1940. Tout au long de ses voyages, elle n’a cessé de photographier le monde qu’elle voyait.
Si sa démarche de photographe est à considérer dans le contexte des années 1920, moment où les avant-gardes s’en saisissent pour créer un langage moderne, Charlotte Perriand développe une pratique plus intuitive, en enregistrant les formes qui captent son attention. C’est ce regard porté sur le monde qui la conduira à s’éloigner de l’architecture fonctionnaliste de Le Corbusier pour défendre une modernité qui parte de l’humain. L’humain est pour elle la base de toute réflexion, et c’est en cela que réside toute la singularité de son œuvre. À partir de 1933, Charlotte Perriand se passionne pour l’art brut. Elle photographie les craquelures du bois, un rocher aux formes surprenantes ou encore des morceaux de bois trouvés. La nature est rendue à sa beauté primordiale et devient “objets à réaction poétique”, selon les mots de Le Corbusier.
L’humanisme de Charlotte Perriand la pousse également sur un autre terrain : celui de l’engagement politique. Tantôt mobilisée comme vecteur de promotion de la politique socialiste du Front populaire ou pour dénoncer la paupérisation qui sévit aux portes de Paris, la photographie est une arme discursive au service de son engagement pour l’amélioration de la qualité de vie de ses contemporains.
Aborder le parcours de Charlotte Perriand du point de vue de la photographie ouvre de nouvelles perspectives pour l’histoire du médium en soi : elle est de ces “non-photographes” qui annoncent l’avènement de l’image comme langage hégémonique et transversal de communication.
Charlotte Perriand, Photo Poche, Paris, Actes Sud, 2022, 12,5 x 19 cm / 144 pages / 13,90 €
Parution en librairie depuis le 5 octobre 2022