Entre 1983 et 2018, sept grandes expositions ont été consacrées à l’artiste singulier qu’est Balthasar Klossowski, dit Balthus, personnage mystérieux et controversé qui a évolué dans le Monde de l’Art entre la France, la Suisse et l’Italie.
/// Mathilde Mascolo
1983, 1999, 2017 : À la recherche d’une reconnaissance en France
Après le scandale de son exposition en 1936 à la galerie Pierre, Balthus tombe dans l’oubli pendant près de cinquante ans avant de revenir sur le devant de la scène en France en 1983, dans une grande rétrospective organisée au Centre Pompidou.
Cette exposition, ainsi que celle de 1999 au Musée des beaux-arts de Dijon intitulée Balthus : un atelier dans le Morvan, 1953-1961, ont pour vocation de faire redécouvrir les œuvres phares de l’artiste.
En 2017, l’exposition inédite Derain, Balthus, Giacometti, Une Amitié artistique au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris rassemble des œuvres des trois artistes pour mettre en exergue leur point commun, avec la « communauté esthétique » comme fil conducteur. Ses jeux de résonance ici donnent à Balthus une importance supplémentaire, à côté de Derain et Giacometti, deux grands artistes très en vogue en France.
2001, 2008, 2015 : La découverte de l’homme, la Suisse et l’Italie à l’honneur
Après sa mort en 2001, le voile commence à se lever sur la vie du peintre – personnelle tant que professionnelle – et la technique picturale qui en découle.
En 2001, au Palazzo Grassi à Venise, dans une scénographie à la White Cube, les tableaux sont présentés de manière chronologique pour montrer « un art à la fois académique dans sa manière et éminemment moderne dans son esprit » (Laurence Chauvy dans « Le Temps de Genève » du lundi 10 septembre 2001). Sont ajoutés dans cette exposition plusieurs témoignages de personnalités au sujet de Balthus, la reconstitution de l’exposition scandale de 1936, ainsi que la documentation sur le travail de restauration que Balthus a effectué à la Villa Medicis lorsqu’il en était directeur.
En 2008, à la Fondation Pierre-Gianadda à Martigny, pour le centième anniversaire de l’artiste et le vingt-cinquième anniversaire de sa redécouverte en 1983, l’exposition tend à montrer la personnalité de Balthus à travers une rétrospective de son travail, n’épargnant aucun thème, ni aucune période.
L’exposition de 2015 à Rome se déroule à la fois à la Scuderie del Quirinale et à la Villa Medicis : si on assiste ici à sa retrospective romaine, l’accent est mis sur le travail de Balthus en tant que peintre et tente de s’éloigner de la simple représentation de ces jeunes filles.
Les trois expositions de 2001, 2008 et 2015 ont décidé d’axer la présentation des œuvres sur le lien qu’entretenait l’artiste avec le pays concerné – le rôle de directeur de la Villa Medicis en Italie, et la fin de sa vie en Suisse.
2018-2019 : La défense de ses « jeunes filles »
La dernière exposition en date s’est tenue à la Fondation Beyeler à Bâle en 2018-2019, juste après le débat autour de l’œuvre Thérèse rêvant exposée au MET, où le mouvement #metoo accuse l’artiste de romancer la sexualité infantile. Ici, 40 tableaux sont présentés et mettent en avant le côté paradoxal du peintre, précurseur à son époque, controversé aujourd’hui : les jeunes filles à scandale sont présentes, dans l’optique de susciter les débats sur les limites de l’art. La Fondation prend la défense de l’art de Balthus, qui est un « art qui laisse ses sujets en paix mais qui veut inquiéter le spectateur » (Judicaël Lavrador dans l’article Hors des sentiers, Balthus, dans « Libération » du 17 décembre 2018).
La présentation des œuvres de Balthus découle bien évidemment de la perception de celles-ci.
Son ambivalence, son côté mystérieux et complexe si plaisant au départ tend à disparaître ; dans une société avide d’informations, nous voulons tout savoir de l’artiste – sa vie, ses envies, ses peurs – jusqu’à en décortiquer les moindres aspects, pour comprendre. Comprendre quoi ? Sa technique, bien évidemment, mais aussi ses inspirations. D’où vient cette obsession pour les chats ? Et ses fillettes ? Ne faisait-il que les regarder ? Cette sensation de malaise et d’inquiétude quand on regarde ses toiles laisse planer un doute affreux.
Si l’érotisme de ses toiles est assumé lors de sa rétrospective en 1983 (il écrit à Antoinette de Watteville le 1er janvier 1934 : « D’ailleurs aujourd’hui l’érotisme dans un art est la seule chose qui fasse encore sursauter les pantins dont je te parlais tout à l’heure »), celui-ci est complètement rejeté en 2008 : « Je ne peins pas de scène biblique, mais je peins des anges. Toutes mes figures féminines sont des anges, des apparitions. Les gens pensent que c’est de l’érotisme. C’est parfaitement absurde. Ma peinture est essentiellement et profondément religieuse. »