Jusqu’au 20 juillet 2025, le FRAC île-de-France présente Berserk & Pyrrhia Art contemporain et art médiéval, en collaboration avec le musée de Cluny. Focus sur l’exposition au Plateau.
// Astrid Vialaron
Chevaliers, sorcières, reliques et dagues : les symboles du Moyen Âge hantent de nouveau notre imaginaire — mais sous des formes inattendues. L’exposition présentée au FRAC, en collaboration avec le Musée de Cluny, propose un dialogue entre l’art contemporain et l’héritage médiéval, non pas pour recréer un passé figé, mais pour explorer comment ces figures nourrissent nos récits actuels.
Dans un monde traversé par l’angoisse, les injustices et l’incertitude, le recours aux mythes anciens agit comme un geste de réinvention. Ce n’est pas tant la réalité historique qui importe que le fantasme qu’elle suscite : un terreau commun entre science-fiction, folklore et romantisme. Le Moyen Âge devient ainsi une matière vivante, réappropriée, pour dire les quêtes intimes ou collectives qui nous traversent.

Parmi les œuvres présentées, Ten Lands de Mélanie Courtinat offre une traversée numérique où l’on explore dix mondes contemplatifs au rythme d’un album ambient composé par Yatoni. Une expérience solitaire, presque méditative, où chaque monde franchi ouvre la voie à une nouvelle piste. Ici, les codes visuels médiévaux se mêlent aux esthétiques du jeu vidéo pour faire surgir une poésie du fragment, du mystère, de la quête sans réponse. Mélanie Courtinat est une artiste et designer française dont le travail explore les frontières entre réel et fiction, en s’appuyant sur les codes du jeu vidéo, de la narration interactive et des univers mythologiques. À travers des environnements immersifs et souvent contemplatifs, elle conçoit des expériences où l’utilisateur devient explorateur, en quête d’un sens caché, d’un monde à ressentir plutôt qu’à conquérir.
Son travail interroge notre rapport aux récits — anciens ou futurs — en mêlant esthétiques numériques, mémoire collective et symboles mythiques, pour créer des espaces sensibles où le virtuel devient territoire d’émotion.
Il y a d’ailleurs dans l’imaginaire médiéval une puissance de projection que notre époque semble redécouvrir : celle des périples, des lieux inconnus, des quêtes aux contours flous. À l’instar des espaces liminaux — ces zones de transition, d’entre-deux, ni tout à fait réelles ni tout à fait fictionnelles — les paysages du Moyen Âge fantasmé nous proposent des seuils à franchir, des passages à éprouver.
Entre ruines, forêts brumeuses, donjons oubliés ou tavernes de fortune, ces lieux suspendus racontent moins un monde ancien qu’un désir contemporain d’échappée, face à la froideur rationnelle et aux lignes nettes du présent. Ce n’est pas tant le retour au passé qui importe, mais l’invention de mondes poreux, où l’on peut se perdre pour mieux se retrouver, comme dans une quête sans fin, profondément intime. Cet imaginaire ancien, profondément symbolique, résonne aujourd’hui avec une époque en perte de repères, en quête de récits plus vastes pour sortir de la froideur du présent.

Produits électroniques mis au rebut, déchets électroniques, câbles électriques, résine de polyester, acrylique, PLA, tube d’acier, 200 x 200 x 60 cm
Collection Frac Île-de-France Photo : Jin Byun © Teresa Fernandez-Pello
Certaines artistes rejouent cette tension à travers des matériaux bien contemporains, comme Teresa Fernández-Pello avec The Heart of the Heart (2022). Composée de déchets électroniques, câbles, plastiques et résine, l’œuvre détourne des rebuts technologiques pour créer une structure ambiguë, presque sacrée. Assemblés avec minutie, ces fragments deviennent objets ornementaux, rappelant la composition d’un retable médiéval. Il y a là une lumière, une narration, une mise en scène du culte — sauf qu’ici, le dieu adoré semble être celui des écrans et de la technologie, omniprésent et silencieux.
L’exposition célèbre cette hybridation féconde entre passé et présent, où l’imaginaire médiéval devient un miroir de nos préoccupations contemporaines — et une matière à rêver autrement.
Image de couverture : Gérard Trignac Le sanctuaire du doute , 1986 Eau-forte et burin, 27 x 34 cm Collection Frac Île-de-France © Gérard Trignac / ADAGP, Paris, 2025
frac île-de-france le plateau
- Adresse : 22 Rue des Alouettes
- Code postal : 75019
- Ville : Paris
- Pays : France
- Site Internet : https://www.fraciledefrance.com/lieux/plateau/