Florent Farges et Florent Terracol à la Galerie de l’Europe : dialogue à l’huile sur toile

Voici deux maîtres du clair-obscur. Mêmes prénoms, même énergie baroque, même passion du détail, des couleurs veloutées et des finis glacés. Grâce à la peinture à l’huile et la figuration, Florent Farges et Florent Terracol, ces deux héritiers de Caravage nous mènent dans leur univers onirique et dramatique avec une obsession : celle d’enchanter le réel avec délicatesse. Enchanter le réel, c’est ici le transformer en matériau pour en faire autre chose, le prendre pour modèle tout en y ajoutant sa subjectivité pour mieux se l’approprier. Pendant que Farges montre des personnages d’humeur contemplative dont chacun se plaira à imaginer l’histoire, Terracol se saisit de lieux familiers pour les recréer de façon mystérieuse. Tous deux construisent des œuvres qui nous montrent le monde que nous connaissons dans un autre espace temps. Les peintres nous emmènent dans leur réalité où l’intensité de l’instant se concentre dans une toile, comme dans un arrêt sur image. Chaque tableau semble constituer un fragment d’infini et d’énergie contenue, telle une accalmie après le bruit sourd et puissant d’un coup de fusil.

Florent Terracol campe un ange méditatif et majestueux dans le dôme gorgé de lumière de la Bourse de Commerce. Avec ses tons saturés évoquant la bande dessinée, il investit en peinture des lieux parcourus d’animaux poétiques. Florent Farges, lui, insuffle une énergie ésotérique dans chaque visage absorbé dans ses pensées. Son admirable nature morte aux geais des chênes et grenade témoigne d’un grand souci du détail et de la suggestion.        

Par la mise en scène, l’inattendu, et une attirance pour le symbolisme, ces artistes ont le don de créer des œuvres chargées d’une aura surannée. Ils font confiance à l’expérience pratique, à la réorganisation de leurs idées selon les aléas du pinceau. Leurs récits visuels sont aussi ceux du temps passé à composer, refigurer, tester, et ce, toujours avec une maîtrise technique qui n’est plus à prouver. Ici, la facture est classique, mais d’une veine magnifiquement surréaliste.

Visuel de couverture : Florent Farges, « Souvenirs cristallisés » © Florent Farges © Galerie de l’Europe