Germaine Richier : animer la sculpture par la vie

Germaine Richier : animer la sculpture par la vie

Dans la Galerie 2 du Centre Pompidou, au fameux niveau 6 donnant une vue imprenable sur le tout Paris, une exposition rétrospective sur la sculptrice Germaine Richier se déroule du 1er mars au 12 juin 2023, rendant pour la journée internationale des droits de la femme un bel hommage à la première artiste femme exposée de son vivant au Musée national d’art moderne en 1956. De ses fascinants portraits des années 1930 à ses expérimentations colorées des dernières années, cette exposition revient sur l’ensemble de la carrière remarquable de l’artiste française en présentant exceptionnellement près de deux-cents œuvres.

 

/// Lolita Fragneau

 

« Personne, peut-être, n’occupe une place aussi centrale, aussi cruciale, dans la sculpture contemporaine que Germaine Richier », écrit en 1955 David Sylvester. Pourtant, son nom est beaucoup moins connu que ceux de ses homologues masculins contemporains comme Giacometti alors même qu’elle a profondément marqué l’histoire de l’art par son originalité. Elle est née en 1902 à Grans, et rien ne la prédestinait alors à devenir artiste. Néanmoins, elle fait son entrée en 1920 à l’école des beaux-arts de Montpellier, où elle se forme auprès de Louis-Jacques Guigues et apprend alors la technique de la taille directe et réalise essentiellement des bustes, avant de devenir l’élève d’Antoine Bourdelle.

Germaine Richier dans son atelier derrière L’Ouragane, Paris, vers 1954 © Adagp, Paris. Photo © Sima/Bridgeman Images

Le parcours thématique s’ouvre sur le sujet qui passionna le plus Germaine Richier : l’humain. L’artiste qui affirmait que « Plus je vais plus je suis certaine que seul l’Humain compte » place la figure humaine au centre de son œuvre dès ses débuts, ce qui lui assure ses premiers succès. Pour elle, il est primordial de réussir à saisir la présence et le caractère propre de ses modèles. C’est plus d’une cinquantaine de bustes et une soixantaine de têtes qu’elle façonnera tout au long de sa carrière, figurant ses proches ou répondant à des commandes. Après son exil en Suisse, ses œuvres s’éloignent du réalisme pour s’approcher de l’expressionnisme exacerbé, dévoilant les marques du tragique caractéristique de son époque. Les visages paraissent fissurés, déchiquetés, presque inachevés, mais c’est là une des volontés premières de Richier « pour qu’elles soient variées de tous les côtés, et qu’elles aient un aspect vivant et changeant ». La section présente alors L’Orage et L’Ouragane, deux de ses œuvres les plus remarquables.

Par la suite, le visiteur découvre le chapitre « Nature et hybridations ». Nourri par sa fascination pour les plantes, les animaux et insectes qu’elle collecte, l’œuvre de l’artiste française se peuple de créatures hybrides, telles que des femmes-araignées/sauterelles, hommes-chauve-souris, mais aussi d’autres qui se voient fusionnées avec des éléments végétaux, comme c’est le cas pour L’homme forêt ou Feuille. De manière totalement inédite, l’exposition présente dans une section ressemblant à un cabinet de curiosité un ensemble d’objets de son atelier, rassemblant bois flottés, galets, racines, insectes ou sa collection de compas comme des papillons épinglés.

Germaine Richier, Le Diabolo, 1950, Bronze, 160 x 49 x 60 cm, MNAM-CCI, Centre Pompidou, MNAM-CCI/Service de la documentation photographique du MNAM/Dist. RMN-GP © Adagp, Paris

Une section « Mythe et sacré » est naturellement envisagée pour celle dont le nom est associé à la « querelle de l’art sacré » : une polémique suscitée par l’œuvre du Christ qu’elle réalise en 1951 pour l’église d’Assy. Elle choisit de faire fusionner le corps de Jésus et sa croix, réduisant son protagoniste à sa souffrance et sa mortalité, ce qui conduira à de nombreux débats dans la presse et critiques des catholiques traditionnalistes qui jugent l’œuvre blasphématoire. Pour Richier, l’humain est forcément lié aux forces de la nature et à un univers qui le dépasse

Dans « Dessiner dans l’espace », plusieurs sculptures démontrent son intérêt pour le travail graphique – lorsqu’elle trace une « architecture de lignes » sur le corps de ses modèles. Le dessin est donc au centre de son processus de création. De même, elle développe une réflexion sur le vide et le déséquilibre avec la série de sculptures à fils de 1946 : « La sculpture est un lieu… C’est davantage qu’une image ». Le fil métallique qu’on peut retrouver dans Le Diabolo fait écho au fil à plomb, un outil de sculpteur qu’elle utilise pour vérifier la verticalité de ses œuvres. Le Griffu avait la particularité d’être accroché au plafond de son atelier, et on le retrouve à nouveau en hauteur dans l’exposition.

La dernière section met en avant les expérimentations sur les techniques et matériaux de Germaine Richier durant les années 1950. Elle s’empare notamment du plomb qu’elle fond elle-même et au sein duquel elle sertit des morceaux de verre colorés. La couleur prend peu à peu une place cruciale dans ses œuvres, et elle demande même à certains de ses amis à l’instar de Zao Wou-Ki de colorer le fond de certaines de ses pièces. Son travail se caractérise avant tout par une incroyable inventivité plastique qu’elle renouvèlera sans cesse.

Germaine Richier, L’ Échiquier, grand, 1959 Plâtre original peint, Tate Modern Londres © Adagp, Paris 2023 Photo © Tate, Londres, Dist. RMN Grand Palais/Tate photography

Centre Pompidou

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