Elles sont imposantes, dans la nuit noire ou dans l’agitation du jour. Drôles de bêtes qui se parent d’un manteau de bronze pour troubler le quotidien d’Orléans et de ses habitants. Chacune de ces créatures porte une histoire en elle, un petit bout de la présence du sculpteur dans l’espace public. Leur aura flotte comme un parfum au milieu des arbres et des bâtiments, s’infuse entre les routes et les voitures. Johan Creten a fait de ses pensées un labyrinthe, et il les a éparpillées dans la ville comme un enfant malicieux qui jetterait les pièces de son puzzle aux quatre coins de sa chambre. C’est un parcours performatif qu’il nous livre avec ses sculptures à taille humaine. La population est invitée à s’approcher des œuvres, à les toucher, à grimper… Parfois, on croise des badauds qui osent s’y asseoir pour s’y reposer ou simplement s’y rassembler. “J’aime l’idée qu’elle soit près du sol et qu’il n’y ait pas de barrières” explique l’artiste en parlant de sa Mouche morte, bien visible au jardin Saint Hilaire.
L’art à portée de la rue, visible par tous et pour tous. Vectrices d’étonnement, les 10 sculptures de Johan Creten forment un bestiaire énigmatique que seule une visite au Musée des Beaux-Arts d’Orléans – qui partage parallèlement une rétrospective sur l’artiste – viendra éclairer. Certaines sculptures ont été spécialement conçues pour la ville, d’autres comme la Chauve-souris, déjà présentée à Rome à la Villa Medicis ou à Paris au Petit Palais, font partie des pièces qui ont fait sa renommée.
Commencer à découvrir Johan Creten dans l’espace public permet de savourer la richesse de son univers par la méditation. C’est là l’avantage du fragment : il laisse d’autant plus de place à l’exploration mentale. Par la déambulation, les passants peuvent également assister au spectacle de l’illumination des bronzes au gré des rayons du soleil. Toutes ces sculptures resteront enracinées à Orléans pendant 1 an.
La visite se poursuit au Musée des Beaux-Arts d’Orléans, qui revient sur 40 ans de création de Johan Creten. C’est la première exposition à aborder la part de dessin dans son œuvre, et tout le processus expérimental qui précède chacune de ses créations. Un pan plus personnel qui constitue un voyage intime à travers le carnet de l’artiste, ses esquisses, ses notes préparatoires, ses maquettes, ses doutes et ses angoisses… Derrière l’apparence exubérante de son travail à la céramique, matière encore peu exploitée sur le marché de l’art contemporain avant lui, des pièces jamais montrées au public qui nous révèlent la personnalité d’un artiste profondément attachant n’hésitant pas à partager ses fragilités.
Complexité du détail héritée des Hollandais, amour de l’humour et de la provocation engagée, Creten développe les thèmes de l’intolérance et des rapports de domination entre l’homme et la femme, entre l’humain et son environnement. Son discours n’en est pas un : il s’agit toujours d’une invitation à penser en faisant appel aux multiples références que se construira librement le visiteur, par l’observation des œuvres environnantes avec lequel l’artiste dialogue constamment. Dans l’intimité du Musée, on retrouve en miniature des études d’œuvres qu’on aura pu apercevoir dehors. Les œuvres sont empreintes d’une rêverie intense et elles possèdent la vitalité d’un feu sans fin.
Musée des Beaux-Arts d’Orléans
- Adresse : 1 rue Fernand Rabier
- Code postal : 45000
- Ville : Orléans
- Pays : France
- Site Internet : http://musees.regioncentre.fr