Deux cents après la révélation des découvertes de Jean- François Champollion concernant les secrets des hiéroglyphes en septembre 1822, la ville de Paris souhaite plus que jamais rendre hommage à cette antiquité égyptienne. Au musée Rodin aussi, l’Egypte est au centre des préoccupations, puisque le sculpteur entretenait une relation bien particulière avec cette terre encore mystérieuse à cette époque. L’exposition d’automne revient sur cet aspect pour la première fois depuis son inauguration, à voir à partir du 18 octobre 2022 et jusqu’au 5 mars 2023.
/// Lolita Fragneau
Si Auguste Rodin ne s’est jamais rendu de lui-même en Egypte, il n’en est pas moins un fervent passionné : « Plus que tout, l’Egyptien m’attire. Il est pur. L’élégance de l’esprit s’enguirlande à toutes ses œuvres » affirma l’artiste dans Les Cathédrales de France (1914). Cette sentence résume bien la pensée qui alimenta son art et l’inspira pendant une longue période de sa vie, faisant de lui un collectionneur assidu d’antiquité égyptienne qu’il laissait trôner dans son atelier. Ces œuvres, générateur de fantasmes sur l’Egypte mais aussi une grande source d’influence, l’accompagnèrent dans ses recherches sur la représentation du corps humain (à travers la simplification des formes, la monumentalité, l’art du contour) jusqu’à sa mort en 1917.
Bénédicte Garnier – commissaire de l’exposition – a travaillé pendant plus de quinze ans sur la collection de l’artiste en collaboration avec le centre de recherche égyptologique de la Sorbonne. Elle s’inspire pour le titre d’une pantomime de Collette, « rêve d’Egypte ». La collection rassemble plus de mille antiques de l’époque pré-pharaonique jusqu’à l’époque arabe. Pour l’occasion, quatre cents de ces fameuses œuvres ont été restaurées, mêlant à la fois sculptures, dessins, et des archives photographiques.
Rodin, qui avait une formation à la culture classique (et notamment à l’art grec), découvre grâce à ses visites au musée du Louvre, au British Museum et aux expositions universelles ce qu’il en est véritablement de l’art égyptien, mais aussi des avancées concernant les fouilles archéologiques menées à l’époque grâce au courant d’égyptomanie présent à Paris depuis les années 1850. Il connaît aussi l’Egypte via ses amis, et l’exposition se charge de présenter les « passeurs » de cette Egypte rêvée qui lui ont rapporté des dessins et descriptions précises. Par exemple, la danseuse Isadora Duncan, le collectionneur Antoine Bourdelle ou le poète Rainer Maria Rilke ainsi que sa femme Clara Westhof lui envoyaient leurs impressions, cette dernière lui écrivit d’ailleurs « je n’ai jamais éprouvée avec une telle intensité le rapport établi entre vous et ces arts lointains et suprêmes ».
L’exposition fait dialoguer l’atelier de Rodin avec un atelier égyptien, croisant les œuvres typiquement égyptiennes avec les créations du sculpteur. On découvre alors les vases et statuettes antiques qu’il collectionnait avec aplomb et déposait sur de petits socles afin de se les approprier, et aussi les aquarelles dont il relie le dessin à l’Antiquité égyptienne comme avec Cléopâtre. L’œuvre phare de l’événement est certainement Monument à Balzac (1898) – placée au centre de ses dernières œuvres – qui a été rapprochée à la sculpture égyptienne dès sa première exposition par sa forme extrêmement simplifiée, faisant penser à la monture des Memnon égyptiens. Cette sculpture marque l’avancée de Rodin vers la modernité.
Par la suite, une pièce s’attache à reproduire l’hôtel Biron de Paris dont le projet s’élabora vers 1910 : il s’agissait de constituer un musée rassemblant des œuvres monumentales qui auraient vocation de rassembler ses œuvres et ses collections pour l’éducation des jeunes artistes. Ainsi l’exposition réactualise cet ancien projet de Rodin en permettant au visiteur de s’immerger dans le lieu historique, symbole des obsessions du sculpteur français.
Musée Rodin
- Adresse : 77 Rue de Varenne
- Code postal : 75007
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 0144186110
- Site Internet : http://www.musee-rodin.fr/