Léon Bonvin : le charme du quotidien

Léon Bonvin : le charme du quotidien

Tenant l’auberge familiale située à Vaugirard la majeure partie de son temps, et enfilant sa cape d’artiste à ses heures perdues, Léon Bonvin (1834-1866) est un peintre qui resta toujours dans l’ombre, loin des projecteurs appréciés par son frère. De son vivant, il n’a jamais connu la gloire ni la reconnaissance de son art. Aujourd’hui plus que jamais, un besoin de réhabiliter cet homme dans la sphère artistique s’impose. L’exposition Léon Bonvin. Une poésie du réel se tient du 8 octobre 2022 au 8 janvier 2023 à la Fondation Custodia, en collaboration avec Walters Art Museum de Baltimore, qui abrite le fond d’œuvres de l’artiste le plus conséquent qui soit.

 

/// Lolita Fragneau

 

Si le nom de cet artiste ne résonne pas à nos oreilles, c’est parce que la dernière rétrospective consacrée à Léon Bonvin date d’il y a quarante ans. Depuis, l’artiste français est retombé à nouveau dans l’oubli général. Pourtant son travail – d’une qualité étonnante – ne semble laisser personne de marbre.

 

Léon Bonvin, Autoportrait, 1866, Plume et encre brune, aquarelle et rehauts de gouache blanche.
– 136 x 110 mm, Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt,

Désirant une vie simple, Léon Bonvin reprit l’affaire familiale à la mort de son père, mettant de côté ses pulsions artistiques telles que la musique ou la peinture. Certainement encouragé par son frère ainé, François Bonvin (1817-1887) – lui-même artiste reconnu au Salon, il commença sa courte carrière par le dessin, exécuté entièrement à la pierre noire dont la composition simule celle de la photographie. La première salle de l’exposition revient sur ces dessins sombres, presque intégralement noirs, qui retranscrivent une intimité touchante à l’auberge familiale, comme avec ce portrait du patriarche conservé par le musée d’Orsay. Le réalisme fait une entrée retentissante dans l’œuvre de l’artiste : Léon Bonvin dépeint ce qui l’entoure, et observe avec précision son environnement pour le retranscrire le plus fidèlement possible. Le décor dessiné est simple, mais d’une authentique charmante.

François Bonvin s’intéresse de près aux dessins de son frère cadet, et lui conseille l’ajout de la couleur. A partir de 1858, Léon Bonvin s’intéresse alors à la peinture et à l’aquarelle. Pour lui, enjoliver serait une défiguration de la réalité, il s’attache alors à dépeindre avec la plus grande finesse et une précision redoutable son quotidien. La scénographie met en exergue ce réalisme troublant en agrandissant une des œuvres : nous y sommes, dans cette auberge. Nous sommes présents, dans ce décor. Il se déploie devant nous, et cela devient notre propre quotidien.

 

Léon Bonvin, Nature morte à la grenade, 1864, Plume et encre brune, aquarelle sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique. – 245 x 187 mm, Baltimore, The Walters Art Museum,

La salle suivante met en avant ses natures mortes : des compositions avec des légumes, des paniers de fruits, ou avec d’autres objets tels que des ustensiles, de la vaisselle, des carafes ou des bouteilles de vin. Tout ce qui l’entourait était prétexte à devenir œuvre d’art. Tout reprenait vie sur ses toiles, affublé par un souffle nouveau. Les fleurs – pourtant sujet d’une simplicité déconcertante – sont travaillées de manière si consciencieuse qu’elles aspirent le visiteur dans leur champ. Cherchant à se libérer de son cabaret confiné, ses expéditions dans la nature étaient avant tout une pause méritée dans son travail acharné, mais elles lui permettaient aussi de mieux restituer les variations de couleurs et de lumières aux différentes heures du jour et des saisons. Le titre de l’exposition résume tout : c’est bel et bien une poésie du réel qui est visible. Le banal, par cette observation pointue, regagne de sa légitimité.

La dernière salle de l’exposition met en parallèle les œuvres de Léon et François Bonvin car, même s’ils n’ont pas partagé les mêmes éloges à leur époque, leur style était relativement ressemblant. Malheureusement, Léon Bonvin mit fin à ses jours en 1866 alors qu’il entrait bientôt dans sa trente-deuxième année, privant le monde d’autres œuvres qui auraient pu participer à sa postérité. Mais l’histoire est enfin dépoussiérée, et l’on sait qu’il n’est jamais trop tard pour conférer à cet artiste oublié la notoriété qu’il méritait d’antan.

Léon Bonvin, Bouton de rose devant un paysage, 1863, Plume et encre brune, aquarelle et gouache sur un tracé au graphite, rehauts de gomme arabique. – 246 x 187 mm, Baltimore, The Walters Art Museum,

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