Les œuvres crépitantes de Natacha Lesueur

Les œuvres crépitantes de Natacha Lesueur

La galerie Claire Gastaud de Paris débute cette nouvelle année avec un solo show étincelant dédié à l’artiste Natacha Lesueur, intitulé Fumantes par tous les trous. L’exposition se tiendra du 14 janvier au 26 février 2023, avec un vernissage exceptionnel le samedi 14 janvier en présence de l’artiste.

 

/// Lolita Fragneau

 

Figure majeure et historique de la photographie plasticienne, Natacha Lesueur (née en 1971) est diplômée de la Villa Arson à Nice, et lauréate du Prix de la Fondation Ricard en 2000. Elle fût pensionnaire de la Villa Médicis à Rome en 2002 et 2003. En 2011, le MAMCO à Genève lui consacre une première exposition rétrospective Je suis néE etc puis une seconde grande exposition nommée Comme un chien qui danse s’est tenue à la Villa Médicis en 2021. Aujourd’hui, l’artiste vit et travaille à Paris et a ainsi su s’imposer brillamment sur la scène artistique française mais aussi internationale lors de ces dernières décennies.

 

Natacha Lesueur – Foyer de fée, 2021, monotype au crayon sur épreuve photographique pigmentaire fine art, 115 x 76 cm

Dans le cadre de sa première exposition monographique à la galerie, la série photographique et dessinée « Humeurs de fées » cherche à offrir une vision étonnante des épouses à travers des portraits atypiques. Les femmes, tout de blanc vêtues, arbore les éléments iconographiques de la mariée, comme la dentelle sophistiquée, le voile cristallin, ou le drapé soyeux en forme de nœud. Si Natacha Lesueur détourne presque systématiquement le regard du sujet du spectateur, la plaçant comme distante ou indifférente au regard des visiteurs, elle exhibe néanmoins une attitude à la fois distinguée et déterminée, mélancolique et audacieuse.

Natacha Lesueur présente ses œuvres comme des collages, puisqu’elle dessine au crayon à même le tirage photographique, rendant les coiffures élaborées de ces jeunes femmes grisonnantes et remémorant de même les retouches des tirages argentiques en noir et blanc. Le dessin hyper réaliste imite la photographie tout en contrariant l’enceinte close de son cadre et en ouvrant de nouvelles perspectives. Un contraste se déploie alors entre les corps jeunes et percés et les coiffures d’antan : les modèles prennent la pleine possession de leur corps et de leur individualité, symbolisant par cette hétérogénéité la femme contemporaine par excellence.

 

Natacha Lesueur – Couronne d’effets, 2021, monotype au crayon sur épreuve photographique pigmentaire fine art, 48 x 48 cm

 

Christian Bernard affirme d’ailleurs concernant le travail de l’artiste que « deux époques de l’histoire de la photo s’y rencontrent, deux procédés mimétiques s’y associent. A l’effet de réalité de la photo s’oppose l’effet de facticité du dessin. Cette contradiction est d’autant plus tendue que le dessin y apparaît virtuose, dans son impossible rivalité mimétique avec la photo » (« La mélancolie des fées »).

Par-là, l’œuvre révèle la construction d’une identité toujours plus complexe et bouscule l’image traditionnelle de la mariée. Les chevelures s’enflamment et rendent compte de ce feu qui brûle à l’intérieur des personnages, de cette annihilation contrôlée qui n’effraie pas leurs propriétaires, au contraire : elles affirment une impassibilité à toute épreuve et un pouvoir incandescent, presque féérique.

Le travail de Natacha Lesueur se déploie dans l’exposition également de manière sculpturale, avec l’œuvre réalisée en 2021 Les chevelures de Vanda. Elle fait partie de la série « Plica Neuropathica » dont le titre fait référence à la plique polonaise, maladie capillaire caractérisée par un enchevêtrement de cheveux dont est victime le personnage féminin Vanda du roman L’Envers de l’histoire contemporaine (1848) d’Honoré de Balzac. L’usage des perruques confère à la sculpture un aspect anthropomorphique. La céramique exploite son potentiel naturaliste, et puise ses motifs dans le monde végétal et aquatique : fruits, fleurs et animaux exotiques. Enfin, cette structure accueille un petit système hydraulique, où l’eau (à l’état liquide ou brumeux) devient la composante animée de la sculpture.

Natacha Lesueur, Les cheveux de Vanda, 2021, Système hydraulique, faïence, postiches, 120 cm (hauteur) x 60 cm (diamètre)
 

Galerie Claire Gastaud Paris