Les trésors du Cheikh : la collection Al Thani à l’Hôtel de la Marine

Les trésors du Cheikh : la collection Al Thani à l’Hôtel de la Marine

Bien sûr l’endroit est superbe, au sein de l’Hôtel de la Marine dans ce qui fut autrefois le garde meuble de la couronne sis place de la Concorde, la collection Al Thani a trouvé un écrin de prestige, renouant en cela avec la première vocation du monument : présenter des trésors.

/// Stéphane Gautier

 

Dans un espace de 400 m2, qui rappelons-le a été loué pour une durée de 20 ans par le prince qatari pour la somme de 20 millions d’euros, son Altesse Cheikh Hamad bin Abdullah Al Thani a posé sa collection.  Montrée dans des institutions prestigieuses telles que le musée de l’Ermitage de Saint-Petersbourg, le Metropolitan Museum of Art de New York, le Palais des Doges, ou le Victoria and Albert Museum de Londres, sûrement le Cheikh Al Tani qui visita à l’âge de 6ans les collections du Louvre, n’est pas resté insensible à ce lieu porteur de symboles. Il y présente un ensemble éclectique (de haute qualité) réunissant des œuvres issues d’un large éventail de cultures et d’époques, de la Chine et de la dynastie Han, de la Méso-Amérique olmèque à l’Iran safavide et à l’Europe de la Renaissance. Une collection dans un espace muséal privé, reflétant les gouts personnels d’un grand collectionneur, d’un collectionneur aux grands moyens.

 

Achetées en ventes publiques ou auprès de grands antiquaires, la collection Al Thani se veut être « une fenêtre ouverte sur les civilisations du monde, une extraordinaire collection qui célèbre la créativité et le pouvoir universel de l’art à travers les âges ». Malheureusement, la fenêtre n’est qu’entrouverte. Les pièces d’exception qui représentent toutes un point culminant de la créativité humaine par-delà la diversité des civilisations se succèdent dans les vitrines de la première galerie qui regroupe la « Contemplatrice d’étoile » idole sculptée dans le marbre en Asie mineure entre 3300 et 2500 av. J.-C . haute de 20 centimètres , une tête de figure royale en jaspe rouge, datant du nouvel empire entre 1473 et 1292 av. J.-C de la XVIIIe dynastie, un ours en bronze doré de la dynastie des Han occidentaux ou  encore un masque pendentif de la culture maya en jade résine coquillage et obsidienne. On est admiratif devant tant de beauté mais rien ne vient nous éclairer sur l’emploi de matériaux communs, sur une symbolique qui pourrait être dégagée au travers de ces différents types de représentation de la figure humaine.

 

Ours, Chine, Dynastie des Hans occidentaux, ©Stéphane Gautier

 

Le constat est le même dans la galerie des portraits consacrée au visage à travers les âges. Une tête d’homme mésopotamienne de l’époque néo-sumériennes 2500 av.J.-C voisine avec la tête en terre cuite d’un homme (500 av.J.-C) provenant du Niger. S’ensuit un masque en mosaïque de jade et d’obsidienne de la culture maya de provenance guatémaltèque à laquelle succède le buste de l’empereur Hadrien en calcédoine en provenance de l’atelier de la cour de l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen de l’Italie du sud vers 1240. Après une tête reliquaire en bois et fer provenant du Gabon vers 1700-1850. Hormis le désir de nous présenter différentes productions illustrant la représentation du visage au travers des âges et des cultures, le propos est un peu court. Quels sont les points communs ou les différences dans le traitement des visages ? Comment envisage t’on la représentation de l’individu dans ces différentes sociétés époques et cultures ? A cela, la collection AL Thani ne nous donne malheureusement pas de réponses.

 

Tête d’homme, Mésopotamie, époque néo summérienne, vers 2050 av JC. ©Stéphane Gautier

 

La partie de la collection peut être la plus cohérente est celle des chefs-d’œuvre des Arts de l’Islam et des cours islamiques. Regroupant aussi bien des pièces d’orfèvrerie en provenance du Levant qu’un très bel ensemble de corans anciens, ou des objets usuels tel un brûle encens en laiton en provenance de l’est de l’Iran. II y a dans cette partie de l’exposition une cohérence géographique et culturelle autour des pièces qui nous sont présentées.

Alors que penser de la collection AL Thani ? Elle constitue certainement une des plus belles collections pour ne pas dire accumulation de trésors en main privée digne des plus grands musées. Rarement un tel ensemble a été constitué par la volonté d’un seul homme, et on peut se féliciter que cette collection est trouvée sa place à Paris, mais pour l’instant la collection Al Thani n’est qu’une simple vitrine, somptueuse certes. Cela  sera donc au spectateur d’entrouvrir la fenêtre, de tisser du lien entre ces chefs d’œuvre de l’expression créative à travers les âges et les lieux.

 

 

Hôtel de la Marine