L’exposition Paris noir – Circulations artistiques et luttes anticoloniales, présentée au Centre Pompidou jusqu’au 30 juin 2025, revient sur cinquante ans de créations d’artistes africains, afro-américains et caribéens. À travers leurs œuvres, elle met en lumière les dynamiques artistiques, culturelles, politiques et sociales qui ont traversé Paris au fil des décennies.
// Astrid Vialaron
L’exposition Paris Noir au Centre Pompidou retrace cinquante années de création afro-descendante dans la capitale française. Riche, dense et puissamment signifiante, elle rend hommage à une scène artistique longtemps marginalisée, dont l’héritage reste encore largement sous-représenté dans les récits dominants. Cette exposition met en lumière la richesse et la foisonnance d’œuvres qui témoignent d’une créativité continue, entre mémoire, lutte et invention.

Parmi les fils conducteurs du parcours, le jazz occupe une place centrale. Une salle entière lui est consacrée, soulignant son rôle structurant, tant comme langage esthétique que comme symbole politique. À travers leurs représentations du monde musical, les artistes exposés expriment une conscience noire collective, entre célébration, résistance et héritage partagé. Le jazz, dans sa liberté formelle et sa puissance évocatrice, inspire d’ailleurs les arts plastiques par ses procédés – collage, improvisation, danse du geste – et ouvre la voie à des abstractions sensibles et spontanées.

Cette dynamique de création s’inscrit dans un mouvement plus large de réappropriation des récits. Formés dans les institutions européennes, de nombreux artistes détournent les codes classiques pour élaborer de nouvelles formes d’expression, entre hybridation contemporaine et retour critique vers les mémoires africaines et diasporiques. Il ne s’agit plus seulement de représenter, mais bien de reprendre la main sur les formes, les discours et les imaginaires.
L’exposition Paris Noir met également en perspective des moments-clés de l’histoire des luttes noires et panafricaines : le Festival Panafricain d’Alger en 1969, où se croisent artistes, intellectuels et militants — parmi eux des membres du Black Panther Party ; la fondation du collectif caribéen Fwomajé dans les années 1960, en quête d’une esthétique martiniquaise propre ; ou encore la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983. Ces jalons rappellent que la création artistique est indissociable des combats sociaux et politiques qui l’accompagnent.

débarquent à Paris à l’instar de ceux
d’Asnières-Gennevilliers pour accueillir
la Marche, 1983
Épreuve gélatino-argentique, 24 × 36 cm
Collection de l’artiste
© Adagp, Paris, 2025
Certaines œuvres emblématiques illustrent cette volonté de relecture des récits classiques. Ainsi, en 1964, Bob Thompson revisite Le Triomphe de Bacchus de Poussin en y injectant de grands aplats de couleurs et un changement radical de perspective, transformant une scène iconique de la peinture occidentale en geste critique et libérateur.
À la croisée de l’héritage classique et de l’expérimentation contemporaine, Paris apparaît dans Paris Noir comme un territoire d’expression privilégié, une scène artistique traversée par les luttes, les échanges et les circulations transnationales.

Centre Pompidou
- Adresse : Place Georges Pompidou
- Code postal : 75004
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 44 78 12 33
- Site Internet : www.centrepompidou.fr