Sébastien Mehal : un portrait pour deux

Arpenteur du monde urbain, Sébastien Mehal se joue des métissages comme des frontières qu’il repousse dans ses œuvres aux limites de l’abstraction. Pour cette nouvelle exposition, il interroge les notions de migrations et de mobilités géographiques à travers des visages en mutation. L’exposition se tiendra du 14 octobre au 3 décembre 2022.

A partir de photographies, l’artiste se sert de l’infographie pour modifier les yeux, le nez et la bouche sans jamais intervenir sur le contour des visages. Il mêle ainsi les traits de plusieurs personnes d’origines différentes pour n’en faire qu’un seul portrait. Ce travail de métissage illustre des problématiques telles que la mixité, les origines, les sexes, l’androgynie, voire l’identité mondiale. Vient ensuite le temps du travail sur la toile, préparée au pinceau avec des pigments de l’industrie automobile afin de recevoir l’impression des visages en sérigraphie, dans une parfaite maîtrise des couleurs. Enfin, l’ensemble est rehaussé par la projection de jets de peinture, à l’aide de grandes seringues médicales ou industrielles, qui ne laisse aucune place au repentir.

Un effet de mouvement se crée grâce aux pigments métalliques : quand ils prennent la lumière, le visage apparaît, quand ils la perdent, le visage s’estompe. Ce phénomène d’apparition et de disparition est renforcé par la présentation en diptyque avec, le plus souvent, une partie monochrome qui s’accorde avec la partie comportant le visage quand celle-ci varie sous l’effet de la lumière. Eclatante, la couleur de la partie monochrome est en lien avec les origines du sujet selon le code couleur choisi pour illustrer les continents sur les mappemondes. Pour Sébastien Mehal, cette couleur rappelle que la mobilité contemporaine traverse les frontières sans jamais se départir de son environnement originel. Très épurés, les douze portraits présentés offrent ainsi douze expressions qui se confondent entre elles. Une galerie de portraits de citoyens du monde, à l’identité métissée, dont les visages surgissent ou s’évanouissent selon le point de vue du spectateur.

Sébastien Mehal peint le monde urbain du point de vue de l’humain. Il mène une réflexion sur l’exil, sur l’humanité et la complexité de la condition humaine dans un monde en perpétuelle évolution. A l’image des ponts qu’il a créés entre les continents dans son histoire personnelle, sa peinture est portée par le mouvement. Chacun de ses tableaux est conçu comme une succession de recouvrements dont la phase finale est exécutée avec une seringue, industrielle pour les grands formats, chirurgicale pour les petits. En agissant sur certaines parties de ses toiles, il donne à voir, non la projection de la peinture ou de la résine, mais l’impact du jet, dans des compositions abstraites qui captent la mémoire de son geste.

Depuis près de vingt ans, tout son travail est nourri de ces références. Auréolées d’un métissage qu’il arbore fièrement, ses œuvres nous parlent de l’urbanisation et de ses conséquences sociales et humaines. Marqué par le phénomène de la ville et les singularités de la vie urbaine – le rythme effréné, l’anonymat, les icônes visuelles, les codes sociaux… –, Sébastien Mehal y puise toute son inspiration. De la technique employée – une peinture composée de pigments de l’industrie automobile – aux sujets traités – l’architecture, la communication, l’individu solitaire, l’expérience subjective… –, la vie moderne se situe au cœur de sa création.