Slab City : Portraits des reclus de l’Amérique

Slab City : Portraits des reclus de l’Amérique

La photographe Laura Henno a posé son appareil dans l’un des derniers No man’s land des Etats-Unis, la ville clandestine de Slab City au beau milieu du désert californien. La Galerie Nathalie Obadia à Paris expose ces portraits de marginaux écorchés vifs.

 

/// Quentin Didier

 

Slab City est un campement qui s’établit depuis les années 80 sur une ancienne base militaire au sud-est de la Californie (« Slab » désignant les anciennes plaques de béton qui témoignent de la présence antérieur). Des nomades et d’autres âmes perdues s’y retrouvent pour vivre en totale autarcie avec pour seule règle de ne pas empiéter sur la liberté individuelle et sacrée de l’autre. Plus qu’un trailer park improvisé, la ville clandestine peut prendre la forme du fantasme libertarien si cher au cœur américain. Comme souvent aux Etats-Unis, l’Eglise, les armes, et la drogue ne sont jamais loin. L’exposition « Radical Devotion » ne donne cependant pas lieu à une étude cynique et/ou sensationnaliste d’un lieu symptomatique d’un pays malade, mais entreprend une démarche naturaliste proche de l’humain.

 

La photographe et réalisatrice Laura Henno travaille à mettre en lumière la situation de migrants, de marginaux et d’autres exclus d’une société qui tente de les invisibiliser. Elle réalise un premier voyage dans ce campement clandestin du désert californien en 2017, s’en suivront plusieurs autres jusqu’à aujourd’hui. Elle entreprend la démarche de véritablement intégrer son sujet, et vit pendant plusieurs semaines à Slab City dans des conditions très vétustes (pas d’eau courante, pas d’électricité, pas de gaz). Peu à peu, elle et son appareil attirent l’attention des habitants et des gens de passages. Elle découvre le, souvent tragique, destin de nombreuses personnes pour qui la vie nomade et en autarcie est un refuge, une quasi-nécessité.

 

Laura Henno, The chocolate mountain, 2017, Tirage argentique, 100 X 130 cm, ©Laura Henno Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia

 

Le portrait du vétéran de guerre revient par exemple régulièrement. Souffrant du syndrome de stress post-traumatique, ces hommes ont vu leur vie s’effondrer peu à peu au point de devoir fuir une société qui les laisse livrer à eux-mêmes. La plus belle des médailles ne permet en effet peut-être pas de réparer un miroir brisé. C’est bien cette incapacité à s’intégrer dans un monde toujours plus excluant qui caractérise la plupart des habitants de Slab City. On découvre aussi la photographie d’un adolescent qui a fugué son environnement citadin et s’est lui aussi réfugié ici. Alors on s’interroge encore plus, sommes-nous dans une telle période où l’aliénation broie l’individu ?

 

Laura Henno, Jack, 2017, Tirage argentique, 100 X 130 cm, ©Laura Henno Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia

 

Les derniers Oscars du cinéma ont récompensé le film Nomadland de Chloé Zaho qui suit le parcours d’une nomade des temps modernes, vagabondant sur les routes américaines à la recherche d’une terre où la misère est la plus belle. Laura Henno s’inspire du réalisme poétique et de la photographie naturaliste américaine traditionnelle des années 30. Car malheureusement, ce que capturait Dorothea Lange lors de la Grande Dépression semble toujours autant d’actualité dans un monde de plus en plus individualiste. Quasiment chaque cliché que réalise la photographe française est un portrait de vie brut et sensible, témoignant de toute la pertinence de son travail.

 

Laura Henno, Ethan, 2017, Tirage argentique, 100 X 130 cm, ©Laura Henno Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia

 

Visuel principal : Laura Henno, Maryan and Jack-Jack, 2017, Tirage argentique, 100 X 130 cm, ©Laura Henno Courtesy de l’artiste et de la Galerie Nathalie Obadia

 

 

Galerie Nathalie Obadia

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