La Galerie Schwab Beaubourg, présente depuis le 16 juin 2021, l’exposition Où vont les rêves quand on les oublie ? consacrée au travail de l’artiste Nushka. Le titre de l’exposition, pour le moins évocateur, indique une aventure dans notre imaginaire (invite à l’aventure/fait appel à notre imaginaire). Nous rencontrons l’architecture de la ville, des couleurs douces et les belles vénitiennes du XVIIIème siècle. Le thème de la Venise est à nouveau considéré par l’artiste, et il s’érige à travers ses toiles, une ville semblant recrée. Une ville irréelle et pourtant bien réelle.
/// Eléonore Blanc
À travers cette exposition, c’est l’architecture, la pierre, l’eau et la femme qui attirent l’artiste. Pour la peintre, Venise devient un terrain de jeu propice aux rêves.
Nushka, de son vrai nom Fanny Moreaux, travaille la peinture à l’huile avec une gestuelle rapide et fugace. Ces grands aplats rapprochent le spectateur du sujet représenté mais l’en éloigne également, afin que la distance imposée transmette une multitude de ressentis. L’exposition actuellement présentée à la Galerie Schwab Beaubourg évoque la belle Venise. Cette ville qui a tant inspiré, par-delà les siècles et les tendances, cette ville qui a légitimé un tumulte d’esthétiques picturales, cette ville qui accueillit les plus belles soirées du XVIIIème siècle… pourrait être aujourd’hui un risque pour un peintre tant la thématique a été étudiée. Pourtant, le travail de l’artiste contredit ce présentement.
En début d’année, Nushka a pu peindre Venise, comme une ville nouvelle, sortie d’un long sommeil. En effet, cet espace tant arpenté et foulé par les touristes, fut une ville désertée. L’artiste a pu ainsi se concentrer sur des détails que l’on n’avait plus réellement observé : les jeux d’ombre et de lumière, l’eau dépouillée de ses touristes et ses berges silencieuses. Nous contemplons alors des colonnes immergées comme si la ville naissait des eaux. L’architecture fait l’objet de l’attention de Nushka sous le prisme d’une abstraction bienvenue. Toute la minéralité de la ville transparaît dans ces toiles, comme le représente son œuvre L’idée de Venise.
Techniquement, Nushka nous ravit par ses larges coups de pinceaux, si caractéristiques de son art, par des cadrages toujours étonnants et des aplats vibrants.
Et puis, ces figures féminines nous interpellent. Certaines œuvres représentent des Vénitiennes allant danser. Ici, une figure nous parle alors même qu’elle est sans visage. Nous pouvons nous approprier, avec une grande liberté, ce que nous observons. En enlevant les détails des visages, l’artiste s’attache à nous orienter vers une lecture personnelle de l’œuvre. La belle bleue invite le regardeur à la suivre, peut-être dans l’un de ses bals si appréciés au XVIIIème siècle.
Une sensation à la fois enveloppante et étrange se dégage de ces toiles grâce au travail des couleurs. Du bleu ciel tirant parfois vers le mauve, d’un corail vif émergeant d’une palette restreinte, et surtout ce vert glauque, sublime. Bien que l’usage de son nom soit devenu péjoratif dans les années 80, il désigne un vert grisé, qui tire vers le bleu. Le terme glauque, du latin glaucus, désigne ce qui est à la fois brillant et clair, utilisé originellement pour décrire ce qui est lumineux. Pour Nushka, il s’agirait de la couleur du rêve.
Ses toiles nous donnent à voir une Venise irréelle. L’éclat de son architecture et de ces visages troublés nous plonge dans un univers saisissant.