A l’automne 2021, le ministère de la culture et du tourisme turque lançait le Festival de la Route Culturelle Beyoĝlu pour promouvoir le richissime patrimoine culturel et historique du pays. A l’aube de l’été 2022 la deuxième édition de cet évènement dévoile une programmation d’expositions, de concerts, de visites touristiques, et de spectacles entre la mythique cité d’Istanbul et la résolument moderne ville d’Ankara pour un voyage enivrant entre Orient et Occident.
/// Quentin DIDIER
Nul besoin d’expliquer pourquoi Istanbul s’érige comme le centre culturel majeur du pays. Forte d’une population cosmopolite de 17 millions d’habitants en perpétuel mouvement, d’un afflux touristique constant en provenance des quatre coins du globe, et bien évidemment d’un patrimoine culturel et historique unique ; l’iconique cité à mi-chemin entre l’Europe et l’Asie demeure le point cardinal majeur de la Turquie contemporaine. C’est logiquement ici que le ministère de la culture et du tourisme entreprend ce projet à la résonnance internationale. Insufflé par la réouverture du Centre Culturel Atatürk (AKM) après plus de dix ans de fermeture, le Festival de la Route Culturelle Beyoĝlu entend convier le monde entier sur les rives du Bosphore et dans les quartiers historiques de cette ville qui ne dort jamais.
C’est en effet une effervescence poétique et véritablement fabuleuse qui caractérise Istanbul. Le festival dévoile son programme dans les quartiers très animés de la côte occidentale qui constitue en majeure partie le cœur bouillonnant de la ville – les stambouliotes à la recherche de plus de tranquillité et d’espace privilégient en effet le calme de la rive orientale.
Le Centre Culturel Atatürk s’érige sur la place Taksim au bout du Tarlabaşi Boulevard – composant une artère moderne et très touristique. Cet important site culturel à l’architecture contemporaine est depuis 1969 un haut-lieu de l’opéra et de la musique savante à Istanbul. Au fil du temps il diversifie ses activités en ouvrant une galerie d’art qui présente pour l’occasion une exposition sur le patrimoine musical ottoman et turque. En découvrant l’évolution de la pratique musicale, nous pouvons ainsi constater la transition entre l’Empire Ottoman et la République démocratique de Turquie proclamée officiellement en 1923. Le Festival de la Route Culturelle Beyoĝlu offre logiquement un regard sur le riche passé du pays, tout en replaçant la Turquie sur la scène culturelle actuelle.
L’artiste contemporain Refik Anadole présente par exemple au Centre Culturel Atatürk son projet numérique « Rumi ». Il est également possible d’assister à des concerts dans le sublime opéra, ou de découvrir une bibliothèque au design sensationnel dans ce même centre. A proximité du très touristique et animé Tarlabaşi Boulevard, nous pouvons découvrir l’héritage cinématographique de la Turquie au Musée du cinéma Atlas, ou encore une exposition collective de 40 jeunes artistes contemporains sélectionnés à travers tout le pays au musée Akbank Sanat.
Le projet du ministère de la culture et du tourisme est explicite et simple : faire rayonner le patrimoine passé et présent de la nation. Pour cela le festival met en avant les figures importantes du pays comme Osman Hamdi Bey, artiste et intellectuel ottoman qui fonda la première Académie des Beaux-Arts d’Istanbul. Une exposition souligne l’importance et l’influence de son école de peinture à travers la pratique de cet art de l’Empire Ottoman à la République Turque.
Cette route culturelle se poursuit également dans les rues d’Ankara, ville d’Anatolie centrale qui a connu le plus fort de son développement lors de la deuxième moitié du siècle dernier. C’est lors des évènements qui mèneront à la proclamation d’indépendance de l’état turque au début des années 20, que la figure nationale Mustafa Kemal Atatürk choisit Ankara et ses quelques dizaines de milliers d’habitants comme capitale de la Turquie. Aujourd’hui la ville compte plus de 5 millions d’habitants répartis dans une gigantesque aire urbaine de 24 000 km².
Dans le pays Mustafa Kemal Atatürk est un leader spirituel et éternel intouchable, protégé par certaines lois qui interdisent le blasphème de son nom, et dont le portrait est présent dans de nombreux lieux institutionnels du pays. Héros de guerre lors du premier conflit mondial de 14-18, il mène la guerre d’indépendance du peuple turque et devient le premier président de la République de Turquie. Sur les bases du dur régime de l’Empire Ottoman, il mène une considérable série de réformes progressistes qui tournent la nation vers l’Occident, et vers une prospérité encore aujourd’hui singulière dans cette région du globe.
C’est à Ankara que nous pouvons découvrir le Mausolée Anitkabir, édifice grandiose construit en l’honneur d’Atatürk qui y est inhumé. A proximité, un musée retrace le parcours hors-norme de cette figure nationale. Nous découvrons ses importants faits militaires qui mèneront le pays vers l’indépendance, les avancées sociales qu’il effectue pour la population lors de sa présidence (instauration d’un régime politique démocratique, mise en place de l’égalité de droits entre les hommes et les femmes, inscription de la laïcité dans toutes les instances de la société, etc…), ou encore de superbes artefacts offerts par des dirigeants d’autres nations.
Le culte autour d’Atatürk est aujourd’hui encore très important et incontestable. Cependant il est impossible d’omettre que Mustafa Kemal Atatürk est au fondement de ce qui constitue la République démocratique et laïque de Turquie. Il est ainsi parfaitement cohérent et intéressant de retrouver cette figure lors de ce Festival de la Route Culturelle Beyoĝlu.
De la même manière qu’à Istanbul, le parcours à Ankara en Anatolie centrale se veut lui aussi à mi-chemin entre tradition et modernité. Il est éminemment passionnant de se plonger dans les cultures des différentes civilisations qui ont peuplé ce territoire mythique (assyrienne, phrygienne, grecque, romaine, byzantine, et ottomane entre autres) avec les incroyables pièces archéologiques exposées au Musée d’ethnographie d’Ankara et au Musée des civilisations anatoliennes. Là encore on ne peut que se rendre compte de la richesse culturelle et historique de la région avec les fameuses calligraphies et céramiques à la réputation légendaire.
Ankara se tourne également vers l’avenir avec des espaces culturels flambants neufs comme le CSO Ada Ankara qui accueille l’orchestre symphonique présidentiel et une pluralité de concerts dans sa superbe salle ; ou encore le musée contemporain CerModern où il est actuellement possible de découvrir une exposition rétrospective du travail de Steve McCurry.
Le Festival de la route culturelle Beyoĝlu présente le patrimoine culturel turque sous ses plus beaux aspects – de l’infiniment riche passé de la région, à un véritable dynamisme contemporain.
