Le retour éclatant de la ST-ART à Strasbourg

La 26^e édition de ST-ART, la foire d’art contemporain et de design, se déroule cette année entre le 25 et le 27 novembre 2022 dans un lieu exceptionnel : le tout nouveau Parc des expositions de Strasbourg, imaginé par l’architecte japonais Kengo Kuma. Si son succès est inébranlable depuis sa création, c’est sans doute grâce à la diversité de la scène artistique présentée, mêlant à la fois galerie confirmée et nouveaux arrivants, mais aussi plus généralement tous les supports et techniques imaginables à travers des styles aussi disparates que contradictoires. Art brut et art urbain se mélangent donc aussi bien que les artistes émergents ou les scrupuleux adeptes de la foire pour le plus grand plaisir des visiteurs.

Pour cette nouvelle édition, ST-ART souhaite se centrer principalement sur la photographie et le cinéma, et notamment le rapport que les deux arts entretiennent entre eux. Dans ce sens, l’exposition « Cinéma et photographie, un lien si sensible » a été échafaudé par Ryo Tomo (directeur du festival Strasbourg art photography) et Patricia Houg (directrice artistique de ST-ART depuis 2016), pour mettre en évidence les fils conducteurs qui peuvent réunir ces arts.  Le parcours présente d’abord une sélection de photographies dont la suggestion cinématographique est palpable, parfois explicite, d’autres fois seulement effleurée, et élaborées par les artistes Aimerik Normand, Pierre Zimmermann, Andrea Christl, et Ryo Tomo lui-même. L’exposition est également complétée par une projection de plusieurs vidéos courtes.

A l’écart, presque dissimulé, l’installation « La Belle captive » du couple d’artistes strasbourgeois Dool (Diane Ottawa et Olivier Lelong) vient clore l’exposition. Le nom s’inspire d’une peinture de René Magritte réalisée en 1931, et d’un roman (1975) et film (1983) d’Alain Robbe-Grillet. Ces œuvres surréalistes engagent une mise en abîme et questionnent sur les différents niveaux de représentations dans les arts, tout comme le travail de Dool qui joue sur le symbolisme, tels les disques de droite et de gauche qui illustrent métaphoriquement les bobines de cinéma. Les deux artistes s’amusent sur l’alternation entre sens littéral et sens figuré, représentant par exemple une plongée dans l’eau en contre-plongée. Les différents médias utilisés tels que la photographie, le dessin, la peinture, la vidéo et la 3D offrent une réflexion singulière et pertinente en réponse à Ryo Tomo.

En dehors de cette exposition, ST-ART accueille la performance de Simon Berger, un artiste suisse présentée par la Galerie Mazel. A partir d’une photographie d’une personne, il fissure du verre de manière à reproduire le visage, mais sans casser le support. Son travail est d’une précision à couper le souffle, presque inconcevable, et ne manque pas de laisser les visiteurs abasourdis devant autant de maitrise et de dextérité. Au-delà de la beauté du geste, Simon Berger accorde une nouvelle perception des matériaux du quotidien, transformant un support banal en réelle œuvre d’art.

Enfin, la superbe de ST-ART tient aussi dans sa volonté de présenter une scène artistiques émergentes comme c’est le cas de la Galerie Art Trope, qui met en avant des talents comme Evelyne Puech qui s’approprie une ancienne technique classique de la peinture sur verres inversés en la modernisant pour ses contemporains. Ses œuvres sont très singulières grâce à plusieurs couches de plexiglas ajoutées qui permettent une lecture en trois dimensions, laissant le spectateur naviguer en les différentes strates symbolisant une temporalité discontinue. A ces côtés, Bruno Palisson expose une de ses séries photographiques nommée « Equanimité », caractérisée par une nature apaisante et une tranquillité du sujet en harmonie avec l’esprit de l’artiste.

Ce qui se dessine réellement dans ces créations, c’est une passion exacerbée, un besoin de s’exprimer, de s’épancher, de faire du support le porte-parole d’une logorrhée artistique qui ne peut se contenir qu’en se matérialisant dans l’œuvre. La foire d’art contemporain ST-ART se figure ainsi comme un vecteur idéal pour le partage et l’embrasement de nos inclinations passionnelles les plus profondes en matière d’art contemporain et de design.