Le 21 novembre dernier, le nom de la nouvelle présidente du Syndicat national des Antiquaires regroupant 300 adhérents antiquaires ou galeristes tombait : Anisabelle Berès-Montanari. Celle qui, depuis 1990, dirige la galerie Berès – spécialisée en art graphique japonais et en art moderne et contemporain – succède ainsi à Mathias Ary Jan, qui sera vice-président du syndicat.
/// Emma Noyant
1. Vous avez été élue présidente du Syndicat National des Antiquaires pour un mandat de trois ans, en recueillant tous les suffrages (12 voix). Vous êtes la première femme présidente SNA. Que pensez-vous de la parité pour des postes à responsabilités comme le vôtre, et plus généralement dans le monde de l’art ?
Il n’y a pas de parité dans ce milieu, du moins elle n’est pas encore exactement à l’ordre du jour. (Rires) C’est un milieu très machiste, très masculin. Il y a bien sûr quelques galeries féminines, y compris de renom. Cependant, la plupart sont tenues par des hommes, et ce fut pendant très longtemps uniquement un métier d’homme. Cela change, lentement. Pour ma part, je vais me retrouver seule femme au milieu d’un conseil d’administration uniquement composé d’hommes.
2. Votre priorité, ce sera la prochaine édition de la Biennale…
C’est en effet une priorité absolue, car la Biennale est un évènement très important du marché de l’art à Paris. Mais il faut cesser de considérer que le syndicat n’a un rôle à jouer qu’en lien à la Biennale. Nous menons plusieurs actions syndicales essentielles qu’il s’agit de maintenir : nous sommes aussi là pour protéger les adhérents, pour essayer de défendre leurs intérêts auprès des institutions. Nous avons plein de dossiers en cours, comme la question importante de la restriction sur le marché de l’ivoire, celle des seuils d’âge et de valeur pour les passeports d’œuvres, ou les obligations qui nous sont imposées par Tracfin. La Biennale est certes capitale, mais il ne faut pas réduire le syndicat à cela.
3. Comment envisagez-vous cette édition à venir, qui se déroulera du 18 au 22 septembre au Grand Palais ? Comment comptez-vous redonner de la vigueur à cette Biennale ?
Je vais d’abord essayer de faire revenir un certain nombre de galeries étrangères, mais aussi françaises et de province – on les oublie trop souvent. L’an dernier, on a beaucoup fait du « Biennale bashing ». Finalement, on s’est aperçu que la Biennale avait bien fonctionné. Nous avions davantage d’exposants étrangers, le dîner caritatif s’est parfaitement déroulé, l’ensemble a été positif. Ce sont les inimitiés parisiennes qui ont fait beaucoup de dégâts, et en feront encore. Je vais donc à la fois essayer de fédérer, et de rassurer les gens. J’ai pour cela la chance considérable d’avoir plutôt une bonne réputation et de n’avoir rien à prouver. J’espère que cela aidera le syndicat. C’est un rôle que j’endosse avant tout par conviction, je ne cherche aucune reconnaissance.
4. Que pensez-vous du travail considérable accompli par Mathias Ari-Jan pour redynamiser la Biennale ? Je pense au rythme annuel du salon depuis 2017, à sa nouvelle durée puisqu’il s’étend désormais sur cinq jours… Autant d’éléments dynamisants associés à la conservation des marqueurs historiques du salon (dîner caritatif, présence au Grand-Palais, scénographie confiée à un artiste de renom…)
Le travail du conseil d’administration dans sa totalité, et celui de Mathias Ari Jan en particulier, fut remarquable. J’étais déjà vice-présidente, donc j’ai suivi le mouvement. Malgré ce qui a été dit contre nous, nous étions là, et avons bien l’intention de continuer. Les résultats ont d’ailleurs comme je vous le disais été positifs. Nous nous trouvions dans une situation financière difficile, due à un gouvernement dilapidant. Nous avons néanmoins su redresser la barre.
5. La Biennale et Fine Art sont les deux foires connues pour se tenir sur un même créneau. Les avis sont partagés : certains pensent qu’elles sont complémentaires, d’autres pas du tout. Quel est votre avis sur le sujet ?
Il ne faut pas oublier que la Biennale est historique et a une renommée internationale. On a donc plutôt intérêt à ce que la Biennale domine compte tenu de ce rayonnement, du fait qu’elle représente quelque chose partout. Fine Art, qui n’en est qu’à sa deuxième édition, n’aura pas cette renommée internationale. Ce salon est organisé par les mêmes personnes que celles qui sont en charge du Salon du Dessin – dont je fais partie d’ailleurs. Cependant, le Salon du Dessin fonctionne car c’est une spécialité, et qu’il est inimitable en la matière. La Biennale fonctionne du fait de sa renommée internationale, mais aussi car on est en plein Paris et qu’il s’agit du Grand-Palais. Et puis la Biennale, c’est une histoire. Le résultat, ce sont des dégâts pour Paris, en ce sens que le visitorat et les acheteurs sont divisés, sans pour autant qu’il soit envisageable pour Fine Art de parvenir à une telle renommée.
6. Depuis 1990, vous dirigez la galerie Berès dans laquelle vous êtes rentrée en 1975. C’est une galerie spécialisée en art graphique japonais, en art moderne et contemporain. Vos parents étaient eux-mêmes marchands d’art très connus, votre père étant spécialisé dans le livre ancien et votre mère dans les estampes japonaises. Vous semblez avoir suivi le chemin de votre mère…
On ne peut pas tout faire. C’est très difficile d’être spécialiste en tout, et très mauvais pour cette activité. Il faut savoir choisir. Le livre, c’est passionnant mais cela ne me touchait pas. De plus, cela demande une connaissance telle qu’il est évident que vous ne pouvez rien faire d’autre. J’aime plutôt les livres d’artistes, les grimoires du XVIème et XVIIème siècle me laissent assez indifférente. Je ne suis pas non plus attirée par les dessins anciens ou la peinture ancienne. C’est beaucoup une question de rapport avec les objets, j’ai toujours aimé la peinture moderne. J’ai beaucoup représenté les nabis, mais aussi les cubistes comme Henri Laurens ou l’abstraction lyrique de Nicolas de Staël… Ma période, c’est de 1890 à 1990. Je ne touche pas aux contemporains, c’est un autre métier. Il y a bien eu une ou deux exceptions, par amitié. Nous avons par exemple fait une exposition récemment sur une peintre coréenne qui s’appelle Uhr.
7. Vous effectuez un certain nombre de prêts pour des institutions françaises et étrangères. Quels sont-ils ?
On a très souvent une dizaine d’œuvres dehors. Dernièrement, nous avons prêté un grand Gonzáles à Sao Paulo, des dessins de Vuillard pour l’exposition Edouard Vuillard & Ker-Xavier Roussel, portraits de famille au musée de Vernon, des Gröger en Allemagne du Nord, là où il a étudié… Nous prêtons également régulièrement au musée Bonnard; il y a aussi eu un Degas et des nabis à Orsay. À Milan, nous avons prêté plusieurs œuvres dont Sonia Delaunay, dans le cadre d’une exposition sur les femmes peintres. En réalité, nous sommes un peu dans tous les pays. Dernièrement, nous étions heureux de participer à un très beau projet : nous avons prêté des céramiques et un dessin de Picasso à l’Ile Maurice, qui organisait sa première grande exposition consacrée à Picasso. Pour 2020, nous leur prêterons surement un Matisse.
8. Quels artistes représentiez-vous à la dernière Biennale ?
J’avais Hantaï, un sublimissime Debré, immense. Un Léger, Braque, Max Ernst, Sam Francis, Degas, Bonnard, Vuillard, Laurens, Marquet, Picasso… Que des petits noms !
Galerie Berès
- Adresse : 25 quai Voltaire
- Code postal : 75007
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : 01 42 61 27 91
- Site Internet : www.galerieberes.com/