Farah Atassi : la relève moderniste de Pablo Picasso

Florence Derieux, commissaire de l’exposition, met en place une scénographie très épurée, laissant libre court à la découverte et à l’interprétation. Dans le cadre de la programmation du musée mettant en avant les artistes contemporains s’inspirant des œuvres de Picasso, il lui paraît plus que pertinent de présenter les œuvres de l’artiste Farah Atassi au musée.

Entre figuration et abstraction, la peintre ancre son travail dans l’inspiration moderniste des années 1910-1920 par la stylisation de son dessin, un choix de couleurs sourdes et une conception cubiste de l’espace. Relevant d’une figuration quasiment conceptuelle, les tableaux de Farah Atassi semblent faire écho au cubisme néoclassique que Picasso développe à la fin des années 1910, celui de son Arlequin de 1915, de ses natures mortes en papiers collés ou de ses premières Baigneuses. Certaines de ses toiles comme The Acrobat Dancer (2021) expriment sans aucune ambigüité leur influence, en dépeignant la célèbre Chevelure de Matisse sur sa toile.

Si on ne devine pas toujours le sujet de la toile, le titre exprime quant à lui explicitement la relation avec le maître espagnol, comme dans Sleeping Bather (2021), Resting Bathers (2022) ou Dancer in Rocking Chair (2022) qui rappelle son tableau éponyme de 1973, mais aussi ces fameuses photographies de Picasso et sa femme assis dans un rocking chair dans l’atelier de La Californie, à Cannes. Le sujet aussi est parfois une référence tacite mais compréhensible par tous les amateurs de l’artiste espagnol, comme la corbeille à fruits de Still Life with masks (2022) qui renvoie fortement à Corbeille de fruits et bouteille (1937). Les œuvres sont mises en parallèle avec Baigneuse ouvrant une cabine (1928) de Picasso, mettant en exergue le lien de parenté tout en insistant également les différences et la grande prise de liberté de Farah Atassi, qui reste toujours dans un style qui lui est propre.

Le décor reste simpliste comme chez Picasso, ne traçant qu’à peine trois bandes de couleurs différentes pour différencier l’horizon, la mer et le sable, au milieu de ces formes nuageuses envahissant l’espace alentour. Ses personnages féminins ont des corps anguleux et arrondis à la fois, montrant la complexité du corps humain, caractéristique que l’on trouvait déjà chez Picasso en 1928 avec Baigneuses jouant au ballon. Mais à la différence des toiles de son prédécesseur, celles de Farah Atassi montrent que ce corps composite peut tout de même garder sa fémininité et sa délicatesse. Elle prouve que les formes géométriques n’empêchent pas la finesse et le raffinement, et donne ainsi à voir une représentation des plus fidèles de la femme moderne.