Du 17 novembre au 23 décembre, la galerie Antoine Laurentin présente l’exposition Le Moal / Manessier, Regards croisés : une occasion de redécouvrir les univers éclatants de couleur de ces deux fleurons de la peinture française de l’après-guerre.
Nouvelle école de Paris, abstraction lyrique, peinture non figurative… Il est tentant de rattacher Jean Le Moal et Alfred Manessier aux trop nombreuses étiquettes attribuées par l’histoire de l’art et revendiquées avec plus ou moins de conviction. Pourtant, comme le montre l’exposition présentée à la galerie Antoine Laurentin, les travaux des deux artistes excèdent toute tentative restrictive de catégorisation. Durant la seconde guerre mondiale, durant laquelle ils participent à l’exposition « Vingt jeunes peintres de tradition française » en 1941, puis dans les années d’après-guerre, ils se nourrissent ensemble d’influences aussi variées que le vitrail roman ou les grands maîtres classiques, qu’ils admirent ensemble au musée du Louvre, expérimentent aussi bien la peinture murale que la tapisserie ou la lithographie, et sont proches d’écrivains et de musiciens. Les deux amis ont ainsi laissé des oeuvres intimement liées, bien que marquées par deux touches distinctes. S’ils héritent d’une abstraction déjà presque traditionnelle dans les années 1940, c’est avec une liberté formelle totale qu’ils régénèrent la peinture de l’après-guerre : un goût certain pour les compositions en grille résulte par exemple de l’assimilation des oeuvres de Mondrian, si ce n’est qu’ici la touche colorée déborde littéralement et vient exalter cette grille pour lui conférer une puissance vitale nouvelle.
Chez Jean Le Moal, le geste s’imprime dans la matière et le trait dynamique s’affirme au fil de ses nombreuses Compositions ; chez Alfred Manessier, la volonté de construire, de tisser patiemment la planéité de l’espace pictural se ressent dans chaque toile. Les deux peintres se retrouvent pourtant dans cette revendication passionnée de la couleur vive et libérée de toute contrainte, et surtout dans cette capacité à effacer de nos esprits toute classification préalable. Les paysages naturels et urbains deviennent sous leurs pinceaux des mosaïques d’aplats colorés et de signes à la signification non arrêtée. L’aquarelle Signaux, réalisée en 1955 par Alfred Manessier, présente ainsi des figures géométriques et anthropomorphes tracées à larges traits sur toute la surface de la toile : pour autant, il ne s’agit pas ici de retrouver la figure sous la composition ou encore de l’effacer au profit de la couleur et de la forme, mais plutôt de se laisser gagner par ces « signaux » quasi-indéchiffrables. Libre à vous d’y voir l’entremêlement sensuel d’êtres impalpables, ou bien la mise en place d’un alphabet obscur qui se fait langage pictural, ou tout simplement l’expression lyrique d’une intensité de vivre contagieuse.
Vernissage le 16 novembre.
Texte : Alix Ricau
Crédit visuel : Alfred Manessier, Signaux, 1955, aquarelle sur papier ©Galerie Antoine Laurentin, Paris & Laurentin Gallery, Bruxelles