Au Musée des Beaux-arts d’Orléans, Olivia Voisin, sa directrice, parvient cette année, avec brio, à faire entrer en résonnance l’œuvre de Markus Lüpertz avec les collections du musée, ainsi qu’avec la ville et son espace urbain.
Une grande première
La réputation de l’œuvre de Markus Lüpertz n’est plus à faire. A côté de son ami berlinois Georg Baselitz – dont la rétrospective au Centre Pompidou vient tout juste de se terminer –, il est l’un des principaux artistes contemporains du néo-expressionnisme allemand. Né en 1941 en Bohême, Lüpertz intègre à la fin des années 1960, tout comme Baselitz, la prestigieuse Galerie Michael Werner, à Berlin, connue aujourd’hui pour avoir défendue cette génération de jeunes artistes allemands qui cherchaient alors, dans leur travail, une alternative à l’abstraction, à l’art conceptuel et à la primauté de l’image dans le pop art. Professeur à l’Académie Nationale des Beaux-Arts de Düsseldorf, qu’il dirige de 1988 à 2009, Markus Lüpertz aime à se présenter comme un artiste contemporain et, en même temps, « un trait d’union entre les âges de la peinture ».
En 2015, il avait bénéficié de sa première rétrospective en France, au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, et en 2018 le Musée de la Vie romantique présentait ses sculptures récentes sous la forme d’un dialogue permanent des arts entre passé et présent, que Markus Lüpertz aime tant à cultiver. Aujourd’hui, le Musée des Beaux-arts d’Orléans rend hommage à cet artiste majeur de la scène contemporaine allemande, en présentant 33 peintures et plus de 70 dessins dans un espace d’exposition dédié mais également au sein des collections permanentes, et surtout 11 sculptures monumentales en bronze (dont quatre s’élèvent à plus de 3 mètres de haut), déployées hors les murs à travers la ville d’Orléans : visibles sur le parvis de la cathédrale et sur le rond-point qui la jouxte, se dissimulant dans l’architecture des arcades extérieures du musée, de la cour de l’Hôtel Cabu, ou bien encore se fondant entre les feuillages printaniers du parc Pasteur, du jardin de l’Hôtel Groslot et de la place du cardinal Touchet. Un format d’exposition hybride, « hors des codes de l’art contemporain » selon Olivia Voisin, qui constitue « une grande première dans la carrière de Lüpertz » !
Peindre l’irréel
Markus Lüpertz s’inscrit dans la tradition de la peinture figurative. A cet égard, la série des cinq tableaux intitulée Lac de Siethen, réalisée pendant le confinement de 2020 et qui ouvre le parcours de l’exposition, se révèle comme une clé de compréhension du processus pictural de l’artiste, qui, en partant de la forme et de la couleur, voit éclore sur sa toile le sujet, « quasiment de manière fortuite ». Lüpertz refuse d’aborder une toile par l’idée d’un motif ou d’une composition, mais veut au contraire « créer des atmosphères », peindre « image après image », car selon lui « la seule chose qui fait que la peinture puisse encore être vivante, c’est qu’elle reste mystérieuse ». L’artiste dandy se refuse à donner une quelconque clefs de lecture à ses œuvres ! Après leur création, il affirme que ses toiles ont leurs propres situations, et les objets peints dans leurs compositions racontent leurs propres histoires, dont Lüpertz dit ne pas être « responsable ». La quête de « l’atmosphère autre » que l’artiste berlinois poursuit de toile en toile, ne se situe pas dans le surréel, mais dans l’irréel, comme le montre si bien sa série Arcadie (2013), dont le tableau La Haute montagne constitue, sans aucun doute, l’un des chefs d’œuvres du peintre.
Grâce à un accrochage volontairement dense, et une muséographie qui fait le choix de ne disposer qu’avec parcimonie les textes d’exposition, le pari semble réussi : ne pas rendre la peinture de Markus Lüpertz didactique, mais la laisser au contraire parler d’elle-même au visiteur. Car en définitive, « l’objet peint, pour Lüpertz, n’existe que par la vie que lui donne le regard individuel de chaque spectateur ».
Évènement : Samedi 18 juin 2022, Markus Lüpertz donnera une conférence puis un concert au piano avec son groupe Triple Trip Touch (free jazz) dans la salle de l’Institut.
/// Camille Marcoux, chercheur associé au Ministère de la Culture
Visuel de couverture : Markus Lupertz, credit photo Andrea Stappert
Musée des Beaux-Arts d’Orléans
- Adresse : 1 rue Fernand Rabier
- Code postal : 45000
- Ville : Orléans
- Pays : France
- Site Internet : http://musees.regioncentre.fr