De l’aube de l’imprimerie jusqu’au 21e siècle, la chose imprimée – qu’elle se présente sous la forme de livres, d’affiches, de lithographies, de prospectus, etc. – n’a cessé de laisser son empreinte sur la manière dont nous pensons le monde, dont nous le décrivons. Véhicule de nos savoirs, objet de transmission, l’imprimé marque depuis sa création notre mémoire individuelle et collective, et nos imaginaires.
Dans l’espace public, les affiches faites de papier sont des imprimés qui tiennent une place centrale. Outils de publicité, de propagande, de communication, d’information, elles tendent aujourd’hui à disparaître.
À l’aune de la suprématie du numérique dans nos sociétés, et de son support, l’écran, les affiches sont de plus en plus remplacées par des images mouvantes, sans matérialité. Elles quittent ainsi peu à peu le monde physique pour entrer dans le monde du calcul : la nature de l’affiche évolue, elle n’est plus qu’un ultime outil de contrôle du nombre de passants, de leur attitude, du nombre de fois où ils regarderont – ou non – l’image en mouvement.
Pour rendre hommage à ce monde de l’imprimé en cours d’évanescence, Kasia Wandycz a souhaité en garder les dernières traces. Depuis plusieurs années, elle s’est prise au jeu de collecter des fragments d’affiches déchirées ou malmenées par le vent, la pluie ou l’intervention humaine. Lors de ses pérégrinations dans les différentes villes qu’elle arpente, Paris, New York et Varsovie, elle s’attarde sur un détail chromatique, sur une forme, sur une composition qui attirent son oeil. Sans s’approprier l’affiche dans son entièreté comme le pratiquait Jacques Villeglé, elle n’en conserve par l’image photographique qu’une parcelle. Celle-ci devient à son tour oeuvre à part entière par le truchement d’un cadrage voulu et assumé par la photographe.
Trace du réel, l’image produite, si elle reste une appropriation, s’inscrit par cette démarche dans le champ de l’imaginaire. Sans retouche, sans recomposition, l’affiche ou plutôt les affiches superposées et abîmées se transforment, par la grâce d’un nouveau cadre dans leur matière, en une nouvelle oeuvre, abstraite, poétique, politique, aux couleurs soit pastel soit éclatantes.
Kasia Wandycz, avec une préface d’Olivier Deloignon, Papier. D’encore diluée et de papier déchiré, Paris, Hemeria, 2022, 17 x 27 cm, 84 pages, 36 photographies couleurs – 55 euros
Galerie Taglialatella
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