Dans son grand espace rue Martel, l’Enseigne des Oudin expose des oeuvres d’artistes contemporains qui explorent la fertilité d’un thème intemporel : Eros et Thanatos.
/// Emma Boutier
« L’érotisme est dans l’approbation de la vie jusque dans la mort » – Georges Bataille, L’Érotisme, 1957.
Contradiction fondatrice de l’être humain, la coexistence d’Eros et Thanatos demeure un conflit irrésolu, une image de plus pour pallier l’impossibilité de penser le néant. Le concept, théorisé par Sigmund Freud, désigne la dualité des pulsions primaires et décrit la manière dont la pulsion de vie et la pulsion de mort fusionnent dans le désir. Le fonds de dotation des Oudin présente ce thème comme une immense source d’inspiration dans un accrochage réunissant une vingtaine d’artistes.
On retrouve déjà l’idée d’Eros et Thanatos sous forme allégorique dans le genre pictural de la Vanité, qui exprime la vacuité des passions face à la mort inévitable, souvent figurée par un crâne. Guglielmo van Plüschow procède à une relecture de la Vanité, en détournant le sujet médiéval de la danse macabre. Contrairement au nu féminin du tableau d’Hans Baldung Grien (Les trois âges de la femme et la mort, 1510), le modèle de Plüschow est bien conscient de sa proximité avec la Mort, et l’accueille avec joie, comme le signale son regard complice au spectateur. Entourée d’un suaire qui laisse voir ses formes, elle fait mine de se laisser entraîner par son cavalier décharné, quand c’est elle qui dirige la danse. L’éphémère est la condition du plaisir.
Mais les artistes contemporains ont plutôt tendance à favoriser une appréhension du thème en prise avec sa dimension psychanalytique, en s’intéressant à sa manifestation dans des situations concrètes et réelles.
Le domaine de la sexualité apparaît comme un terrain fertile pour la représentation du paradoxe Eros et Thanatos. Déclinés sous plusieurs formes dans l’exposition, les motifs du masochisme et du fétichisme actualisent l’alliance du plaisir charnel et de la pulsion de destruction.
Avec cette sculpture d’un sexe féminin minimaliste, Bistra Lechevalier illustre la contradiction du désir en travaillant ce motif érotique comme un objet désincarné qui tend vers l’inorganique, animé par une pulsion mortifère conduisant à la disparition.
Au fil du parcours, le champ d’interprétation est élargi au-delà de la sexualité, et donne lieu à des traitements moins contrastés du sujet. Le duo Michel Journiac et Jean-Luc Moulène interroge ce curieux sentiment face à la mort, subtil mélange d’attraction et de répulsion, la curiosité morbide qui existe en chacun de nous.
Déconcertantes, dérangeantes, voire repoussantes, les oeuvres rassemblées dans l’exposition reflètent la complexité de la théorie du conflit pulsionnel tout en manifestant son caractère ineffable.
Enseigne des Oudin – fonds de dotation
- Adresse : 4 rue Martel
- Code postal : 75010
- Ville : Paris
- Pays : France
- Tel : +33 (0)1 42 71 83 65
- Site Internet : enseignedesoudin.com
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