Rosa Bonheur : l’art de dépeindre l’âme animalière

Rosa Bonheur : l’art de dépeindre l’âme animalière

Si Rosa Bonheur (1822-1899) a été ses derniers temps au cœur des problématiques culturelles – faisant l’objet d’une effervescence spectaculaire en matière de publications et d’expositions, c’est parce qu’on fête cette année le bicentenaire de sa naissance. Le musée d’Orsay ne tarie pas d’efforts pour célébrer cette artiste hors norme, à la fois icône d’émancipation féminine et engagée dans la cause animale, et lui consacre une très belle exposition comprenant une sélection d’œuvres exigeantes, avec environ deux cents productions différentes (peintures, sculptures, photographies). A découvrir depuis le 18 octobre 2022 jusqu’au 15 janvier 2023.

 

/// Lolita Fragneau

 

Rosa Bonheur est une femme qui a su marquer son temps, que ce soit pour son talent irréfutable ou son caractère bien tranché. Née le 16 mars 1822, elle grandit dans une famille passionnée par la peinture, et fût prise rapidement sous l’aile de son père pour une formation en atelier. D’une très grande précocité, c’est dès ses dix-neuf ans qu’elle expose pour la première fois au Salon, en 1841. En moins de dix ans, elle obtient deux médailles pour récompenser son travail, ce qui fera accroître rapidement sa renommée auprès du public. Femme libre et indépendante, elle refusa catégoriquement de se marier pour pouvoir perfectionner son art et s’est battue pour prouver au monde entier que le talent n’avait pas de sexe. Elle est par ailleurs considérée comme une des premières icônes féministes et la plus grande peintre animalière de son époque.

 

Rosa Bonheur et Nathalie Micas (1824-1889)
Le Marché aux chevaux, 1855, Huile sur toile, 120 × 254,6 cm, Londres, The National Gallery, © The National Gallery

Toute sa vie, elle fût stimulée par le monde du vivant et plaça les animaux au centre de son art. L’exposition permet pour la plus grande joie du public d’observer les premiers chefs-d’œuvre de l’artiste, tel que Labourage nivernais (1849). Une salle entière est dédiée à Marché aux chevaux (1853) et aux études préparatoires que la peinture a nécessitées, une autre se concentre sur ses peintures de chiens qu’elle adorait par-dessus tout, quand une autre se penche sur sa passion des animaux de la savane. Rosa Bonheur adorait les contempler au plus près, et n’hésitait pas à se déplacer pour prendre des esquisses sur le vif précises de certains animaux. Un de ses dessins récemment découvert dans son château de By – le lieu étant inchangé depuis sa mort et transformé en musée – est présenté pour la première fois dans l’exposition.

Le travail d’observation de l’artiste est remarquable et d’un incroyable réalisme. Elle parvient sans difficulté à transposer une image à la fois physionomiste et touchante : qu’il soit représenté sur des petits ou grands formats, l’animal est toujours dépeint avec un souci du détail exigent, et une sensibilité expressive. Le regard est profond, traité avec une sincérité qui détonne pour son époque, une humanité délectable. L’animal semble prendre vie devant les yeux du spectateur, et c’est encore plus flagrant dans ses portraits en pieds comme celui du cerf : le visiteur est immergé dans cette faune et flore qui l’entoure et le submerge autant que Rosa Bonheur l’a été. Les animaux sont peints avec une grande précision à l’inverse des êtres humains, qui restent simples subalternes dans ses toiles.

 

Rosa Bonheur, El Cid – Tête de lion, 1879, Huile sur toile, 95 x 76 cm, Madrid, Museo Nacional del Prado,
©Photographic Archive Museo Nacional del Prado

L’exposition revient également sur des sujets moins connus de son œuvre, telle sa fascination pour l’Amérique, son plaisir à représenter Buffalo Bill et présente aussi quelques lithographies représentant des hordes de loups sauvages. Mais c’est surtout la dernière œuvre réalisée de son vivant – mais aussi la dernière de la scénographie – qui marque l’attention : Chevaux sauvages fuyant l’incendie (1899), une œuvre qui restera inachevée mais qui rend magnifiquement compte du processus de travail de Rosa Bonheur. A la fin de ce parcours captivant, le visiteur s’en va en ayant saisi la profondeur de « l’âme » animale et devient sensible à la beauté de cette nature simple si chère à l’artiste.

Rosa Bonheur, Chevaux sauvages fuyant l’incendie, 1899, Huile sur toile, 126 x 221 cm, © Château de Rosa Bonheur
 

Musée d’Orsay

  • Adresse : 1 rue de la Légion d'Honneur
  • Code postal : 75007
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 40 49 48 14
  • Site Internet : www.musee-orsay.fr