Tournez-vous « Face au Monde » à la Galerie de Buci !

L’art pense le monde et nous touchons parfois l’essence des choses grâce à sa pratique. C’est une conviction partagée par tous les artistes de ce group show multidisciplinaire qui explore d’une voix plurielle mais harmonieuse la condition humaine. Comment faire face au monde qui se mue ? Quels sont les repères pour ne pas perdre tout le sens de son existence ? Quel est le rôle de l’artiste dans ce processus ? Autant de questions qui se déploient à travers ces figurations abstraites ou réalistes, piquantes de naïveté ou angoissantes d’absurdité. Ici, l’énonciation s’efface pour laisser place à la suggestion visuelle. Il s’agit de donner à voir, de sentir au plus près de nous la réalité physique qui se déploie sous nos yeux, mission que tous ces artistes acceptent en la mettant au cœur de leur pratique.

Ce parcours est une explosion de vie qui explore la joie, un festin de formes primitives ou réalistes, un ensemble où les surfaces se répondent ou s’opposent. Tous évoquent des réalités sensibles rendant intelligible l’essence de l’existence. La multiplicité des médiums artistiques utilisés rend compte de l’humanité dans son ensemble. La photographie, la peinture et la sculpture s’unissent, créant ainsi un véritable concert polyphonique de voix qui hurlent ou chuchotent leurs questions existentielles au public. Nous pouvons noter la présence du remarquable Mikhail Roginsky, cet anticonformiste russe qui chercha toute sa vie à représenter l’humanité avec force. Ici sont exposées plusieurs de ses peintures ton sur ton aux relents expressionnistes. L’absence de vitalité dans ses tableaux, l’utilisation du gris métallique met paradoxalement en évidence l’humain, nous rappelle de façon complexe les couleurs qui composent réellement le réel.  

Être artiste et habiter le monde, lui faire face, avec franchise et panache : c’est la posture de ces artistes qui osent affronter l’absurdité de la vie, avec son lot de tragédies pour y apporter une touche de sublime. Une entreprise qui nous remue et nous émeut. Le collectif AES+F avec son travail doux amer, apporte une désinvolture tragique que les sculptures d’Andrei Sadko, viennent enrichir. Se déployant dans le vide et vers l’avant, les personnages de Sadko envahissent l’espace. À la fois immenses et frappantes, elles sont minuscules dans l’infinité et se perdent derrière les murs aux tons monochromes qui constituent leur espace d’exposition.

Métaphore de résonances existentialistes, les sculptures de Sadko évoquent avec poésie et de façon pascalienne la place de l’homme dans l’univers. L’élégance sobre des lignes de ses statuettes nous invite à adopter une pensée pure que la simplicité des formes met en exergue. L’observation de ces humains sans visage nous trouble et provoque en nous un sentiment d’inquiétante étrangeté. Elle nous invite à nous questionner sur notre propre humanité.