Depuis le 26 juin et jusqu’au 19 septembre, la ville se transforme de nouveau en un immense musée à ciel ouvert mais cette nouvelle édition d’Un Été au Havre joue à cache-cache avec la réalité et nos perceptions.
/// Virginie Beauvais
Le Havre, comme en parenthèse ces derniers mois de crise sanitaire, devient le théâtre de toutes les illusions à travers cet évènement toujours orchestré par Jean Blaise. La vingtaine d’œuvres dévoilée depuis peu dans l’espace public permet d’échapper aux réalités quotidiennes, et de se laisser guider, d’une installation à l’autre, par le tracé inédit d’une ville fantasmée.
On s’étonnera alors de voir un cargo jaillir du terminal croisière ou de découvrir la façade du Palais de Justice s’ouvrir sur une forêt. Des œuvres en trompe l’œil de l’artiste Pierre Delavie qui nous invite à nous questionner sur notre environnement, notre humanisme. Au gré des 4 parcours d’art dans la ville, le regard se laisse surprendre notamment par les quelques 200 goélands ayant élu domicile sur la tour de l’Hôtel de ville. Imaginé par Patrick Murphy, « À tout oiseau son nid est beau », déploie ici l’idée d’appartenance ou sinon d’envahissement. Et « cette lune posée au Havre » par Arthur Gosse, est-ce un rêve ou une réalité ? La déambulation mènera jusqu’au littoral où HEHE, le duo d’artistes composé d’Helen Evans et Heiko Hansen, ont déposé leur « Gold Coast ».
Leurs rochers de granit dorés incrustés du sceau de la ville évoquent les richesses marchandes et culturelles arrivées à quai par les transatlantiques et les porte-conteneurs. Une vision de rêve qui se poursuit avec la « Fata Morgana » de Chiki, transformant la digue sud en medina : « je suis arrivé ici, j’ai entendu comme une sollicitation, des voix d’enfants qui parlent en arabe. J’ai redessiné cette digue et immédiatement j’ai pensé à lever un palmier, j’ai pensé aux medinas de mon enfance ». Guidé par la signalétique au sol de l’artiste plasticien Guillaumit jusqu’au jardin de la Villa Maritime, le visiteur se laissera surprendre par une Vénus de marbre qui arbore les tatouages des Yakuzas de la mafia japonaise. A travers neuf sculptures magistrales, le sculpteur turinois Fabio Viale fait se confronter les chefs d’œuvre classiques et la symbolique criminelle. Se jouant de la matière en la tatouant comme une peau humaine, l’artiste s’amuse à transformer la réalité pour la rendre encore plus réelle.
Le voyage dans la ville devenue illusion fait également escale dans une série d’expositions éphémères avec notamment « Nécrocéan » au Portique où les crabes en bois exotique et les déchets habillés de nacre de Théo Mercier interpellent sur la pollution. Au MuMa (Musée d’Art Moderne André Malraux), le photographe Philippe de Gobert donne à voir un Havre onirique. Ses clichés, réalisés à partir des huisseries de ses maquettes architecturales, évoquent une autre destruction, reconstruction de la cité océane.
Prochainement, un bel entretien avec Vincent Cavinet !