Corentin Darré est un artiste plasticien vidéaste qui travaille avec les médiums de l’installation et de la modélisation 3D à travers des vidéos et images imprimées. L’artiste a exposé dernièrement au sein de la Galerie du Crous. Corentin Darré travaille sur notre rapport aux nouveaux médias et aux nouvelles formes de relations virtuelles grâce à des fictions étonnantes et empreintes de poésie.
/// Eléonore Blanc
Corentin Darré s’intéresse aux nouvelles formes de relations virtuelles. Le monde du virtuel change rapidement, et les nouveaux médias interrogent l’artiste. Pour sa dernière exposition « Never kill a boy on the first date », il s’est inspiré d’une légende médiévale.
« Je crée des fictions, je compose un récit avec des créations qui vont nourrir la narration. Par exemple, pour l’exposition “Never kill a boy on the First date”, je pars d’une légende de folklore que je réactualise par le biais de conversations entre deux avatars : Dunstan et Lucifer. Cette histoire essaie de véhiculer des idées, des interrogations sur le rapport à l’autre, conditionné et dirigé par l’univers virtuel. »
Corentin Darré ne vient pas du monde des jeux vidéo. Mais, il s’est beaucoup documenté sur sa pratique, ses effets et ses évolutions.
« J’ai réalisé un cursus d’art dans lequel j’ai pu toucher de manière éparse aux médiums de la modélisation 3D. Puis, mon intérêt s’est vraiment concrétisé pendant le confinement car je n’avais pas d’atelier, et le seul moyen de me reconnecter à ma pratique artistique était donc de m’exprimer grâce à des outils 3D. »
L‘artiste a alors longtemps pratiquer la photographie, ce qui a eu une certaine influence dans sa pratique de la modélisation 3D.
« La photographie m’a développé un œil qui m’apporte beaucoup dans la modélisation 3D. Mon ordinateur est comme une caméra ou un appareil photo. Il existe de nombreux réglages qui permettent de composer le décor, les personnages, de travailler la lumière qui créée le réalisme d’une photo. Si on regarde l’œuvre Dunstan, on remarque l’ombre sur le visage. Dans la construction, tu as la lumière directionnelle qui vient se projeter sur le visage, avec un arbre que l’on ne voit pas dans cette image mais qui vient faire des ombres en plus. C’est le même rapport que la photographie. »
Pour lui, chaque médium remplit une fonction différente qu’il est possible d’utiliser pour livrer un message différent.
« C’est souvent le médium qui vient à moi au moment où j’ai envie de m’exprimer. J’aime dépasser les médiums ! Avec mon intérêt pour le virtuel, j’ai décidé de ne pas m’arrêter à un seul médium. Chacun me permet de réaliser mes envies sur l’instant. »
L’exposition « Never kill a boy on the first day » illustrait son désir d’associer plusieurs esthétiques ensemble, créant des pièces qui entraînent le visiteur dans différentes temporalités.
« D’une installation à l’autre, il y a des esthétiques qui vont différer. Dans cette exposition, il y a une temporalité médiévale principalement, mais en fait chaque œuvre peut s’inspirer d’une autre esthétique. Dans un jeu vidéo, il y a souvent le thème du Moyen-âge, que j’ai repris dans ce travail. En fait, j’aime la facilité des jeux vidéo à bondir dans les genres, d’évoquer plusieurs époques et esthétiques. C’est cet axe ci que j’aime explorer dans mon art ».
Son appréhension artistique de l’univers des jeux vidéo n’a pas pour origine une nostalgie d’un autre monde, mais une fascination des esthétiques de ces univers :
« J’ai une fascination pour ces esthétiques qui sont visuellement très séduisantes. Travailler sur cet univers permet d’avoir une très grande liberté dans mes créations : je peux passer d’un monde médiéval, puis dans une autre salle décider d’alimenter l’exposition avec des créations très kitch. Observez cette salle aux murs roses et aux rideaux bleus…En fait j’aime l’idée de passer d’une chaumière médiévale à une ambiance futuriste, en passant par une boite de nuit ou une love room. »
L’exposition à la Galerie du Crous éclairait son intérêt pour les mythes. Corentin Darré réactualise les légendes, qui ont des qualités esthétiques et intellectuelles qu’il faut mettre en exergue. Habillée de sens, la légende réactualisée de Dunstan et Lucifer illustre toute son esthétique.
« Ce que j’emprunte de l’esthétique du Diable n’est qu’évocatrice. Ce sont des détails et symboles que je sélectionne, en m’attachant à raconter une histoire sans partir dans un mouvement brutal. Dans mon travail, j’aime intégrer le monde virtuel dans notre réalité, avec nous ».
L’artiste plasticien et vidéaste réussi par ce récit à englober de nombreux questionnements sur la virtualité, mais aussi sur l’amour, le genre, l’amitié… mais sans aucune limite d’interprétation. Les créations de l’artiste réussissent à créer des sensations propres à chaque visiteur.
« J’aime construire des fictions. Je pense créer une nouvelle fiction, dans une autre temporalité peut-être, j’apprécie le saut dans les époques ».
Corentin Darré est un narrateur, un créateur de fictions que nous avons hâte de rapidement retrouver dans un nouvel espace d’exposition.