Les tragiques ruines du Proche-Orient

Le photographe Mathieu Pernot présente à la Fondation Henri Cartier-Bresson l’exposition Les Ruines de sa Demeure, une importante série photographique à travers de sublimes lieux au Proche-Orient malheureusement dévastés par une histoire contemporaine difficile. Les richissimes paysages brisés du Liban, de l’Irak, et de la Syrie sont magnifiquement capturés par l’appareil de l’artiste qui appose un regard naturaliste et à portée didactique sur des situations qui dépassent presque l’entendement.

 

/// Quentin Didier

 

Le parcours de ce projet artistique commence en un sens au Liban, pays qu’ont connu les grands-parents et les parents de Mathieu Pernot qui s’y sont installés de 1925 à 1958. L’artiste choisit d’entreprendre un voyage sur leur trace en 2019 en retrouvant l’appartement familial et quelques photographies prises à l’époque. Tout bascule le 4 août 2020 lorsque dans le port de Beyrouth, un stock de 2750 tonnes de nitrate d’ammonium explose et dévaste la capitale déjà fragilisée par un contexte politique et économique en crise. Les dégâts matériels estimés à quelques 4 milliards d’euros sont considérables et plongent le pays dans le chaos. Mathieu Pernot constate avec effroi que, comme d’autres, ce pays du Moyen-Orient entre dans une crise où les ruines commencent à prendre une place considérable dans la vie du pays.

 

 

Il entreprend alors une série photographique sur les traces d’un présent qui efface tristement le passé, avec cette crise Libanaise sans précédent, la guerre civile Syrienne qui ne semble jamais finir, et la richesse culturelle et historique de l’Irak perdue sous les mains des combattants de l’Etat Islamique.

 

 

La guerre, toujours aussi actuelle en cette année 2022, est sans aucun doute au centre du propos de l’exposition – c’est majoritairement elle qui compose ces paysages de désolations que le photographe présente sans détour. On découvre alors les conflits qui ont frappé et qui frappent encore le Liban avec l’opposition sanglante entre sunnites et alaouites à Tripoli dans le nord du pays ; la Syrie avec la terrible guerre civile entre le gouvernement tyrannique de Bachar al-Assad et les révolutionnaires du Printemps Arabe ; et l’Irak qui doit se défaire de l’Etat Islamique implanté sur son territoire.

 

 

Les clichés de Mathieu Pernot sont très poignants par son sens aiguisé du cadrage, relevant sans artifices ces drames aussi intimes que civilisationnels. Car c’est bien l’Humanité qui agonise sous l’objectif de l’artiste qui met sur une même échelle des individus sans noms, et des nations et des civilisations toutes entières – des appartements des villes d’Alep, Homs, ou Tripoli, à la cité antique de Palmyre ravagée par les djihadistes.

 

 

Visuel principal : ©Mathieu Pernot, Beyrouth, 2020