Plus vrais que nature ! Une histoire du trompe-l’oeil au Musée Marmottan Monet 

Plus vrais que nature ! Une histoire du trompe-l’oeil au Musée Marmottan Monet 

Le musée Marmottan-Monet défie notre sens de l’observation dans une exposition consacrée au trompe-l’oeil. Le plaisir que l’on prend à se laisser aller à l’illusion suffit à prouver l’intemporalité de ce genre pictural autrefois qualifié de « mineur », dont les ressorts dépassent le simple amusement.

 

 

/// Emma Boutier

 

 

Dans un parcours chronologique croisant les médiums, le musée développe une histoire longue du trompe-l’oeil qui questionne l’évolution de ses enjeux. De la nature morte illusionniste aux tableaux miroirs de Pistoletto, l’exposition étend la définition de ce genre pictural au-delà de l’art des Pays-Bas du XVIIe siècle auquel il est notamment rattaché.

 

Une scénographie du faux-semblant

Les oeuvres prennent place dans une atmosphère savamment travaillée pour entretenir l’illusion. En s’inspirant de l’univers théâtral, les scénographes Clémence La Sagna et Achille Racine ont créé un parcours obéissant aux règles de l’art du trompe-l’oeil. Parsemés sur les cimaises, des décors peints simulent des fenêtres, des niches ou des étagères qui intègrent les oeuvres à leur environnement. L’éclairage donne l’impression qu’une vive lumière émane de chaque tableau, augmentant sa qualité mystérieuse et captivante. Il renforce ainsi l’effet sur le spectateur, parti nécessaire à l’actualisation du trompe-l’oeil, qui se définit exclusivement dans sa relation avec le regardeur.

 

 

Nicolas de Largillière, Deux grappes de raisin, 1677. Paris, Fondation Custodia, Collection Frits Lugt © Paris, Fondation Custodia

Faire vrai. Une histoire de l’illusionnisme

Nicolas de Largillière ouvre l’exposition avec ses Deux grappes de raisin, référence explicite au mythe de Zeuxis et Parrhasios. L’oeuvre dit la fonction essentielle du trompe-l’oeil : faire vrai.

Mais l’on constate la complexification du genre au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, sous l’impulsion des peintres Flamands. Le quodlibet (littéralement, « tout ce qui plaira » ) cristallise les nouvelles réflexions qui alimentent la peinture en trompe-l’oeil. Il consiste en un amas d’objets présentés pêle-mêle, exigeant une exécution minutieuse des détails. Ce désordre feint offre une proximité à la réalité de la vie quotidienne bien supérieure à celle des compositions figées et explicitement mises en scène.

 

 

Cornelis Norbertus Gijsbrechts, Trompe-l’œil, 1665. Paris, musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB

 

 

Les peintures surréalistes exposées dans la dernière partie du parcours semblent prolonger cette évolution. Elles se présentent comme des petits écrins qui renferment des objets associés aléatoirement et peints de façon illusionniste, jouant de la contradiction entre vraisemblance de la représentation et incohérence de la rencontre.

 

Enjeux et portée du trompe l’oeil : la réhabilitation d’un genre

La section « Architecture et trompe l’oeil » montre comment les peintres ont pu se saisir du genre pour interroger la relation entre les arts. Les toiles imitant à la perfection les bas-reliefs classiques actualisent au XVIIIe siècle le « Paragone » qui animait les débats artistiques de la Renaissance italienne.

Mais les enjeux soulevés par le trompe-l’oeil ne sont pas exclusivement esthétiques. L’exposition traite d’un aspect peu étudié du genre : sa dimension politique. En effet, le désordre orchestré par les peintures dans la lignée du quodlibet peut être prétexte à la formulation indirecte d’un message. Le tableau de Laurent Dabos, outre la virtuosité qui le caractérise, formule le récit de l’alliance entre le Consulat français et la monarchie absolue espagnole contre la Grande-Bretagne, en laissant voir derrière cette vitre brisée les portraits de Napoléon Bonaparte et Charles IV.

 

 

Laurent Dabos (1761-1835), Trompe-l’œil, dit aussi Traité de paix définitif entre la France et l’Espagne, Après 1801. Paris, musée Marmottan Monet © Musée Marmottan Monet / Studio Christian Baraja SLB

 

 

L’exposition propose un prolongement inédit en présentant des créations du XXe siècle qui réinvestissent le principe du trompe-l’oeil. Le Tableau en déplacement de Pierre Ducordeau en mobilise les codes pour traiter d’enjeux propres à l’oeuvre contemporaine, réunissant dans une même toile les principes opposés du concept et de l’illusion, tout en interrogeant avec ironie les mécanismes de l’art contemporain.

Enfin, la sculpture hyperréaliste de Daniel Firman porte le mécanisme de l’illusion à son paroxysme, provoquant chez le spectateur une sensation d’inquiétante étrangeté des plus intenses.

Il faut le voir pour le croire !

 

 

Pierre Ducordeau, Tableau en déplacement, 1966. Paris, collection Ducordeau © Collection particulière
 

 

 

 

 

Musée Marmottan Monet

  • Adresse : 2 rue Louis Boilly
  • Code postal : 75016
  • Ville : Paris
  • Pays : France
  • Tel : 01 44 96 50 33
  • Site Internet : www.marmottan.com
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Musée Marmottan Monet

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